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c. Faut-il restaurer la Cathédrale ?
Il ne s’agit ici que d’un bref compte-rendu des débats à propos du sort de la Cathédrale Notre-Dame de Reims après le conflit.
Si la réponse semble aujourd’hui évidente, les partisans de la restauration ne furent guère majoritaires durant le conflit. De grands noms comme Rodin s’opposèrent avec véhémence à tous les projets.
En 1916, Charles Gaudier note d’ailleurs :
«Chacun s’est demandé si l’on réparerait le désastre et même s’il convenait de le réparer. Nulle hésitation n’est permise, bien que la presse ait enregistré les idées les plus effarantes et les plus saugrenues sur l’affectation des « ruines » de la Cathédrale.»286
Le symbole de la Cathédrale.
Le fait même de la mythification de l’édifice empêche tout désir de restaurer l’édifice. Un mythe est en effet un schéma figé, tout vœu porté sur une modification de l’aspect de la Cathédrale amène inévitablement une destruction du mythe.

Je cite ici quelques réactions :

«Il faut que la Ruine subsiste éternellement. Jamais, dans l’histoire de l’humanité, symbole de protestation ne se dressa avec une plus terrible éloquence contre les crimes des Barbares. Voilà vraiment le grand monument du souvenir national.»287

«Aussi il faut que Notre-Dame de Reims, mutilée, lézardée, ouverte par les obus apprenne aux générations futures et leur rappelle à tout jamais ce que furent depuis des milliers d’années les invasions qui traversèrent le Rhin pour dévaster les Gaules.»288

Si les projets de restauration semblaient catégoriquement rejetés par l’intelligentsia française, quelques idées et projets d’aménagement virent tout de même le jour.
Un nouvel aménagement.
Voilà un projet qu’expose un officier militaire au monde artistique en 1915.
 
«Monsieur,
J’ai lu votre article sur la Cathédrale de Reims. Oui, c’est l’avis de nous tous officiers : il ne faut pas la réparer. Il faut la consolider adroitement et la laisser comme un témoin de la barbarie teutonne. Il faut y transporter les ossements des soldats épars sur les champs de France. Il faut inscrire, en lettres d’or, sur des plaques de marbre noir, les noms des héros morts pour la Patrie. Il faut entourer cet ossuaire, des canons pris à l’ennemi, mis debout et reliés par des chaînes fondues dans du bronze allemand. Et que tous les ans, à la date de la signature de la paix, proclamant l’écrasement de l’Allemagne, la France aille s’agenouiller devant les morts ; et que l’Armée envoie ce jour-là tous ses drapeaux, avec une délégation d’officiers et de soldats, saluer les héros…»289
C.T.
Ce texte peut aujourd’hui apparaître farfelu, toutefois à l’époque il a été sérieusement pris en considération. L’idée d’un gigantesque ossuaire avait de nombreux adeptes surtout parmi les rangs des militaires.

Je laisse M. Demouy conclure cette partie :

«Comment imaginer enfin que l’on n’ait pas pris la résolution de la relever. Pourtant nul n’ignore la campagne qui s’est développée dès 1914, au départ alimentée par une mauvaise information sur l’état réel du monument, relayée ensuite par un romantisme morbide et le désir d’entretenir le souvenir de la haine.»290
Monseigneur Landrieux conclut ainsi son ouvrage paru en 1919 :
«Reims, qui entend relever ses ruines, ne comprendrait pas qu’on l’obligeât à faire une exception pour celle-là, de toutes la plus triste, la plus tragique, la plus révoltante. Reims a conscience de n’avoir pas mérité l’humiliation de garder sa Cathédrale défigurée, amoindrie. Reims déclare qu’elle l’aime trop et qu’elle en est trop fière pour se résigner jamais à la voir moins belle !»291
Comme toujours la Cathédrale doit rester le cœur de la cité, si la ville est reconstruite alors l’édifice sacré doit suivre le même chemin.

Comme nous l’avons vu précédemment Reims et sa Cathédrale sont devenus durant le conflit le symbole des destructions allemandes. Une fois le conflit achevé, le délicat problème des réparations se pose alors.

Les Américains étaient favorables à une paix modérée. Lors de la venue en France de Wilson, président des Etats-Unis, une visite de Reims et de sa Cathédrale fut organisée le 26 janvier 1919292 . Symbole des destructions allemandes, elle devait justifier au président américain, la nécessité des demandes françaises de réparation à la Conférence de la Paix.



286 GAUDIER (C.), La Cathédrale, p 292
287 DAYOT (A.), La Cathédrale de Reims, une lettre du front, article paru dans L’Art et les Artistes, numéro spécial, p 47.
288 Préface de Paul-Albert Helmer extrait de MERCIER (E.), Notre-Dame de Reims.
289 DAYOT (A.), La Cathédrale de Reims, une lettre du front, article paru dans L’Art et les Artistes, numéro spécial, p 42.
290 DEMOUY (P.), L’incendie de la cathédrale de Reims devant l’opinion, p 82.
291 LANDRIEUX (Mgr M), La Cathédrale de Reims un crime allemand, p 202.
292 PROCUREUR (J.-P.), Reims pendant la Grande Guerre, p 171.

 
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