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Conclusion

Le traitement des images liées à l’incendie de la Cathédrale de Reims semble être une histoire sans fin, tant il est vrai que la collecte de documents iconographiques reste encore lacunaire. De plus, je me rends bien évidemment compte que je n’ai utilisé qu’une partie de l’inventaire : les exemples cités sont cependant ceux que j’ai jugés les plus significatifs.

Avec la fin du conflit et la défaite de l’Allemagne, le délicat problème des réparations se pose. L’article 231 du traité de Versailles établissait que :

« l’Allemagne reconnaît qu’elle est responsable pour les avoir causés, de tous les dommages subis par les gouvernements alliés et associés et par leurs nationaux, par suite de la guerre qui leur a été imposée par son agression. En conséquence, l’Allemagne devait payer des réparations ».293
Les indemnités versées par l’Allemagne ainsi que l’aide américaine (fondations Carnegie, Ford et Rockfeller) vont permettre à Reims de renaître. Des travaux de restauration de la Cathédrale vont être envisagés. Le cardinal Luçon arrivera à faire taire les diverses critiques des « Romantiques des ruines » : Non la Cathédrale ne deviendra pas un Parthénon français, ni même un ossuaire. La Cathédrale va renaître :
« Des cendres de l’Agneau s’élève un blanc Phénix, un grand Phénix dont les ailes s’agitent au-dessus des flammes. Son bec est d’argent et son aigrette d’or. Son chant est un cri de résurrection. »294
Une des villes saintes de nos traditions nationales. Brûlées par les Vandales puis, comme le Phénix fabuleux, ressuscitée de ses cendres pour être à nouveau dévastée par les Huns et bombardée par les Allemands. Sa beauté lui vaut le privilège d'attirer les Barbares. Mais la vieille cité domine l'envahisseur de toute la hauteur somptueuse de ses clochers et l'aveugle de toute l'éblouissante lumière jaillie de ses verrières. La cathédrale blessée se dresse dans la Champagne invaincue comme un prodigieux monolithe d'art élevé à la vaillance française. Les Francs de Clovis se trouvent réunis dans son ombre aux compagnons de Jeanne d'Arc et aux poilus de Gouraud. Avec eux, "Dieux en soit garde !"
« Je renaîtrai de mes cendres »295, c’est aussi le titre d’une estampe de Henri André. La légende est la suivante :
Une des villes saintes de nos traditions nationales. Brûlée par les Vandales puis, comme le Phénix fabuleux, ressuscitée de ses cendres pour être à nouveau dévastée par les Huns et bombardée par les Allemands. Sa beauté lui vaut le privilège d’attirer les Barbares. Mais la vieille cité domine l’envahisseur de toute la hauteur somptueuse de ses clochers et l’aveugle de toute l’éblouissante lumière jaillie de ses verrières. La cathédrale blessée se dresse devant la Champagne invaincue comme un prodigieux monolithe d’art élevé à la vaillance française. Les Francs de Clovis se trouvent réunis dans son ombre aux compagnons de Jeanne d’Arc et aux poilus de Gouraud. Avec eux, « Dieu en soit garde ! »
Mais à toute naissance (ou renaissance) suppose une disparition. Nous avons vu tout au cours de cet exposé comment un mythe pouvait naître « spontanément » d’un événement particulièrement marquant. Comment il pouvait se développer sous l’action conjuguée des évènements et de la propagande. Comment son discours, sa réalité pouvait se déformer et être adaptée à la réalité du moment.

Mais un mythe guerrier peut-il survivre en l’absence d’un conflit ? Le mythe de la Grande Blessée peut-il résister à la restauration ? Le mythe de la Cathédrale martyre peut-il encore exister alors que la Cathédrale renaît ?
Enfin un mythe peut-il résister à l’histoire elle-même ? Selon Monsieur François Cochet :

L’ultime raison (de la disparition du mythe), la plus importante à nos yeux s’impose alors d’elle-même. Après 1945, d’autres visions héroïsantes sur le théâtre du monde, remplacent celle de Reims durant la Première Guerre.
La Seconde Guerre mondiale est porteuse d’images autrement plus lourdes de sens et de symbolisation que la première. Maurice Crubellier exprime cela d’une formule lapidaire : « Que pèse encore Reims au regard de Dresde ou d’Hiroshima ? »296
Ce raisonnement exprimé par M. Cochet sur le mythe des Rémois pendant la Grande Guerre est tout aussi valable pour le mythe de la Cathédrale en flammes.

Cependant à mon avis, le mythe de la Cathédrale martyre a certainement plus facilement disparu du fait même de sa restauration. En supprimant, en grande partie, ses stigmates, on a du même coup effacé la mémoire visuelle qu’elle transmettait et le mythe qu’elle incarnait. Toute altération d’un mythe produit donc un phénomène contraire au processus d’héroïsation : un désenchantement. Le mythique redevient alors purement historique.



293 BECKER (J.-J.), L’Europe dans la Grande Guerre, p 259.
294 DRUART (R.), La Passion de Reims, p 21. Mgr Landrieux fait d’ailleurs un constat similaire (LANDRIEUX (Mgr M.), La Cathédrale de Reims ; un crime allemand, p 166 et 167)
295 I.F. : n°211.
296 COCHET (F.), Rémois en guerre 1914-1918 : l’héroïsation au quotidien, p 165.

 
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