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      b. L’Allemagne doit être châtiée
Le 23 janvier 1915, le docteur Capitan, professeur au Collège de France, donnait une conférence à l’Académie de médecine sur la Cathédrale dévastée. Son rapport était basé sur une mission réalisée à Reims le 30 et 31 décembre. Il s’exprime ainsi :
"Le crime de lèse-humanité que constitue la destruction d’une œuvre unique faisant partie du patrimoine artistique du monde entier ne saurait, conclut M. Capitan, être dénoncé trop fortement. La postérité en demandera lourd compte à l’Allemagne."266
Le bombardement de la Cathédrale de Reims constitue aux yeux des écrivains un Crime contre l’Humanité et contre l’Art.267
L’Allemagne impardonnable
De nombreux documents iconographiques représentent Guillaume II larmoyant, égaré ou même atteint par la démence.
Dans la carte postale intitulée : "William II – To be or not to be"268, l’Empereur d’Allemagne semble s’interroger sur ce qu’il est en train de faire. Il tient dans sa main un globe terrestre où la carte de l’Europe est remplacée par une tête de mort.

Il paraît évident que de tels crimes ne peuvent empêcher le Kaiser de se sentir mal à l’aise, d’être pourchassé par sa conscience, ce qui semble même l’empêcher de dormir.269

Dans une œuvre de L. Dupon270, le texte et l’image se partagent équitablement la place. On y voit Guillaume II se confessant à un prêtre alors que derrière lui, un tableau représentant la Cathédrale de Reims a été suspendu. Je reproduis ici ce poème :
La Confession de Guillaume
le Brigand
Mon père je viens me confesser
Des maux que j'ai fait aux peuples civilisés
La mule du Pape j'irais baisé
Si mes pêchés me sont pardonnés
Tous les actes de brigandage
Atrocités et scènes de carnage
Sur mer et sur terre fait par mes armées
L'ont été sans ordres donnés
J'ai tout fait pour l'Italie
Sans ambition pour ses Nouilles ni son Macaroni
De l'Autriche je n'ai pu obtenir que la peau de zébi
Quand à la Turquie, Ah mes amis
Ce quelle me coûte d'argent et d'ennuis
Comme je sens ma fin qui approche
Et que je veux mourir sans reproches
A vos pieds mon père je demande, Pardon
Ainsi que votre Absolution.
Mon Enfant,
En raison de la gravité de vos pêchés
Dont a souffert toute l'humanité
L'Absolution je ne puis vous donner
Qu'après la victoire des Alliés
La chute de votre empire et de ses Armées.
De Profundis.
Dans ce texte, le prêtre ajoute qu’il ne peut donner l’absolution en raison de la gravité des pêchés.
Le cas biblique de Caïn est ici repris et transposé à l’Empereur Guillaume. Un autre document271 reprend cette thématique. Guillaume II, l’épée ensanglantée et après avoir mis le feu à la Cathédrale de Reims, sent une présence derrière lui. C’est l’œil divin, celui-là même qui avait poursuivi Caïn fratricide.
Une autre carte intitulée "Guillaume-Caïn… l’échéance approche" représente le kaiser tentant de fuir un ange armé d’une épée, symbole de la justice divine.272
L’heure de la victoire : le châtiment
Il convient de rappeler que dans les consciences, la victoire a été, durant tout le conflit, reportée toujours au lendemain.

Le châtiment pour ce crime est évidemment la défaite des armées allemandes. Le bras justicier de la France est incarné par Jeanne d’Arc, à la fois héroïne et sainte et par le canon de 75. Jeanne d’Arc, pas encore canonisée (seulement le 16 mai 1920), apparaît davantage comme une héroïne française que comme une sainte. Le message véhiculé par cette incarnation est clair, il s’agit de chasser les Allemands hors de France. Jeanne d’Arc apparaît donc comme l’incarnation de la France combattante, une Marianne de l’Union sacrée.

Une œuvre d’André Robert273, intitulée l’expiation illustre parfaitement cette thématique du châtiment. Cette œuvre reproduite en diverses variantes sous forme de cartes postales existe également en plus grand format sous forme d’estampes. Elle est présente sous le titre " Le Sacre " dans le fonds iconographique de la Bibliothèque Municipale de Reims sous la côte B.M.R. 39-111. Sur le parvis de la Cathédrale, l’Empereur d’Allemagne Guillaume II est enchaîné à un pilori surmonté de l’inscription " Guillaume, roi des Vandales, apostat, iconoclaste ". Les villes de Louvain, Malines, Termonde, Senlis et Reims sont associées à cette inscription. A côté de lui, se dresse Jeanne d’Arc, la tête nimbée d’une auréole, tournant les yeux vers la Cathédrale en flammes d’où s’élève la vision du Christ. Les attributs de la puissance impériale sont à terre.

Cette composition, expressive, illustre précisément l’idée que l’Empereur d’Allemagne, après la victoire devra être destitué, jugé et condamné pour les crimes dont il est accusé.

Ce thème de la déchéance impériale est souvent représenté, mais c’est la Mort, son ancienne complice, qui fait office de bourreau. Dans une composition, de F. Chamoïn274, intitulé justement "Le Châtiment", la Mort étrangle l’Empereur sous les vociférations de la foule, poings tendus, réclamant vengeance. Une autre de René Blaise275 complétée par la légende : "A ton tour", montre Guillaume II détournant le regard de la Cathédrale de Reims en flammes et des dizaines de cadavres amoncelées à ses pieds. La Mort semble venir le chercher.
Certains documents comme le numéro 14 intitulé "Lui !" de Weal montre de façon plus expéditive le châtiment que doit recevoir l’Empereur d’Allemagne. La tête de celui-ci a été tranchée et a été placée au bout d’une pique. La justification est donnée par l’évangile selon St Mathieu : "Celui qui sortira le glaive périra par le glaive".276

Le 10 novembre 1918, l’empereur Guillaume II abdique et se réfugie en Hollande. Le traité de Versailles le déclare personnellement responsable du conflit et prévoit son jugement par un tribunal international, mais le gouvernement néerlandais refusera toujours son extradition. Il ne sera jamais jugé.



266 VINDEX, La Basilique dévastée, p 18.
267 VACHON (M.), Les Villes martyres de France et de Belgique, p 75.
268 I.F. : n°32.
269 I.F. : n°139.
270 I.F. : n°177.
271 I.F. : n°49.
272 I.F. : n°131.
273 I.F. : n°154.
274 I.F. : n°47.
275 I.F. : n°22.
276 I.F. : n°14.

 
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