c. Critique de l’argumentation
allemande
Le principe même de la propagande et de la contre-propagande est
de prouver la justesse de ses arguments. La vérité n’est
pas uniquement d’un côté mais elle se situe sur une route
médiane entre les deux argumentaires.
Méprise
L’autorité allemande n’a jamais communiqué sur le thème
de la méprise. Les militaires allemands auraient-ils pu confondre
les allées et venues des ecclésiastiques, et en particulier
de l’abbé Thinot, avec des observateurs militaires français.
C’est une théorie que développe M. François Cochet
:
" Tout semble désigner le maître de la chapelle de la
cathédrale, comme étant indirectement responsable de la pluie
d’obus. L’abbé Thinot avait une passion assez rare à l’époque.
Il était photographe. Il est certain qu’il s’est très fréquemment
promené sur les sommets de la cathédrale, avant comme après
le bombardement. Les Allemands ont pu alors être intrigués
puis alertés, enfin excédés de cette silhouette se
promenant, d’étranges objets en main, sur les tours et les galeries.
"144
Des batteries aux alentours de
la Cathédrale ?
Rappelons que dès le 14 octobre 1914, l’autorité allemande
condamne l’installation de batteries près de la Cathédrale.
Ce même argumentaire va être utilisé par le gouvernement
allemand lors du déclenchement de l’offensive du 16 avril 1917.
Ces allégations sont immédiatement contredites par le clergé
rémois.145
Cependant une lettre écrite à Reims, le 25 avril 1917,
pose un sérieux problème quant à la véracité
des propos français.
Mon bon Gaston,
J’ai bien reçu ta dernière lettre du 19, je crois que
l’on exagère dans les journaux, quant aux victimes qui sont tombés
ces jours-ci dans Reims, je sais que cela est triste de subir cette guerre.
Rassure-toi mon chéri, les obus ne tombent pas toujours sur notre
quartier, et d’autres aussi sont éprouvés.
Je pense que tu te fais beaucoup trop de tracas pour nous.
Je te dirais que nous prenons beaucoup de précautions au sujet
des obus. D’ailleurs des grosses pièces viennent d’être installées
sur le Boulevard Lundy, et sur l’angle du Comptoir français, contre
le Parvis, où elles tirent jour, et nuit. Il y en a eu de gros calibre,
les artilleurs ici l’appelle " La Grosse Julie ", quand elle tire, elle
fait trembler tout le quartier.146
Ce témoignage est corroboré par un autre. Cependant ce récit
reste particulièrement obscur à cause de sa formulation,
je le cite tout de même in extenso, uniquement pour sa valeur documentaire
:
" Et puis alors… y’avait des pièces de dissimulées à
droite, à gauche, mais enfin pas partout, on les voyait à
peine ! On les voyait à peine. Ca a été un des arguments
des Allemands pour bombarder la cathédrale. Ils ont dit qu’il y
avait des observateurs et ça a été démenti.
"147
En ce qui concerne les autres accusations, aucun élément
ne m’a permis de contester les versions françaises. Pourtant aucun
témoignage ne permet clairement d’établir une vérité
historique quant aux raisons de l’incendie. D’ailleurs le principe de la
construction d’un mythe est d’éloigner les représentations
des réalités historiques.
144 COCHET (F.),
Rémois
en guerre 1914-1918 : l’héroïsation au quotidien, p 64.
145 CHATELLE (A.),
Reims
ville des sacres, p 199.
146 GRETEN (J.),
Petit
Jean, Maux de guerre, mots d’amour, p 101.
147 COCHET (F.),
«
Rémois en guerre » (1914-1918). Parole de témoins et
sources écrites, p 238.