b. Les thématiques
abordées
L’Etat-Major allemand chercha toujours à accréditer l’idée
que la Cathédrale avait servi à des fins militaires.
Le rejet de l’Incendie
Selon certaines affirmations allemandes, l’incendie qui a ravagé
la Cathédrale proviendrait des maisons environnantes. Attisé
par un vent violent, le feu se serait alors propagé à l’échafaudage
puis à la paille ; la toiture se serait ensuite enflammée.
Le vicaire Johannes Prülage témoigne dans ce sens :
" Les maisons situées à gauche de l’Eglise en
regardant le monument de Jeanne d’Arc furent incendiées par l’artillerie…
Par malheur, la basilique, objet justement de travaux de restauration importants,
était en partie entourée de grands échafaudages en
bois, qui prirent feu vers dix heures du matin déjà, par
suite des étincelles, chassés par un vent très violent,
provenant de l’incendie des maisons environnantes. Ces étincelles,
poussées à travers les fenêtres brisées de la
cathédrale, pénétrèrent dans la nef remplie
de paille et ne tardèrent pas à y mettre le feu. "134
Il apparaît paradoxal qu’aucun document iconographique allemand ne
représente l’incendie de la Cathédrale Notre-Dame. Dans le
document 164 de J. Bürger, on voit toute la ville de Reims être
la proie des flammes. Seule la cathédrale semble être épargnée
par ces immenses foyers d’incendie.135
Cet argument ne suffit cependant pas à expliquer comment les
combles furent atteints par le feu.
L’utilisation de la cathédrale
comme observatoire
C’est certainement l’accusation portée par l’autorité allemande
qui est la plus véhémente.
Lors d’une commission allemande d’enquête, le 14 avril 1915, un
colonel allemand déclare ainsi :
" Le 19 septembre vers midi, je me trouvais au bureau du commandement
en chef à … lorsque le commandant de la … division fit savoir par
téléphone que les observateurs de l’artillerie avaient constaté
sans aucun doute possible l’existence d’un poste d’observation ennemie
sur l’une des tours de la Cathédrale ; on y avait reconnu des signaux
par fanions. "136
Ce fait est d’ailleurs corroboré par un soldat allemand, Franz Beckmann,
qui dépose le 12 décembre 1914 à Hanovre le témoignage
suivant :
" Du 16 au 19 septembre nous avons vu régulièrement
sur une des tours de la cathédrale dont nous étions à
proximité immédiate, plusieurs observateurs militaires. "137
Certaines affirmations parlent même de projecteur installé
sur la tour nord. Une carte postale138
permet d’illustrer cet argument.
La légende est la suivante :
"Die Franzosen benussen die Kathedrale von Reims als Operations-Bafis
und gefährden damit das herrliche Kunftwerk"
"Les Français utilisent la Cathédrale de Reims comme base
d'opération et risquent de mettre en péril cette œuvre d'art."139
Les Allemands imputent donc, à l’autorité militaire française,
tous dégâts qui pourraient, par la suite, toucher l’édifice.
Cependant cette accusation a certainement dérangé l’autorité
militaire française, car pour faire taire toute remontrance allemande,
" le général commandant a interdit, sous peine de mort, de
monter sur les décombres des toits ou dans les tours. Cette défense
est absolue. "140
Des batteries placées aux
abords de la Cathédrale
Il semblerait que cette affirmation ne soit pas liée directement
à l’incendie mais davantage aux bombardements postérieurs.
Toutefois, il convient de rappeler que dès septembre l’agence Wolff
prétendait que l’armée française avait installé
des pièces d’artillerie sur les tours.141
Le 14 octobre 1914, un communiqué allemand annonce :
" Les Français ont installé deux batteries d’artillerie
lourde tout près de la Cathédrale de Reims. On a constaté
en outre que, sur une des tours de cet édifice, on faisait des signaux
lumineux. Il est bien entendu que nos troupes devront prendre les mesures
nécessaires pour assurer leur défense, sans se préoccuper
de la Cathédrale… Les Français seront donc responsables,
aujourd’hui comme avant, d’un nouveau bombardement de la Cathédrale."142
Ce thème est figuré dans le document
iconographique n°159. Dans cette carte postale allemande, on voit
la Cathédrale de Reims, intacte, avec de chaque côté
un énorme canon de 75.
Le défaut des insignes
de la Croix-Rouge.
L’article 27, de la Convention de La Haye de 1907, stipule que le devoir
des assiégés est de signaler à l’aide de signes, les
édifices bénéficiant du statut de neutre. Pour qu’un
monument soit considéré par les belligérants comme
un hôpital provisoire, il faut que celui-ci arbore de façon
distinctive le pavillon de la Croix-Rouge.
Dans la carte postale 98, un obus touche l’observateur français
qui avait frauduleusement utilisé le drapeau blanc pour se protéger.
En effet, le drapeau blanc ne peut-être arboré que pour les
villes qui sont déclarées ouvertes. Reims, occupée
par l’armée française ne pouvait plus revendiquer ce statut.
Le Ministère de la Guerre allemand avait publié en 1915
une brochure sur le bombardement de la Cathédrale de Reims. Le principal
témoin à charge, l’abbé Prülage143,
accusait la population rémoise et l’armée française
d’avoir massacré une partie des prisonniers. Aucun document iconographique
ne vient représenter ces faits, preuve que cette argumentation n’a
vraisemblablement reçue qu’un faible écho.
Il convient néanmoins d’analyser la véracité des
autres arguments.
134 A.D.R.,
Carton 7J 157.
135 I.F.
: n°164.
136 A.D.R.,
Carton 7J 157.
137 A.D.R.,
Carton 7J 157.
138 I.F.
: n°167
139 Traduction
présentée à l’exposition Les Rémois en 1918,
de l’évacuation au retour.
140 VINDEX, La
Basilique dévastée : destruction de la Cathédrale
de Reims, p 23.
141 DEMOUY (P.),
L’incendie
de la cathédrale de Reims devant l’opinion, p 81.
142 LANDRIEUX
(M.), La Cathédrale de Reims, un crime allemand, p 88.
143 A.D.R.,
Carton 7J 157.