b. Les commissions
d’enquête
La commission française
: le rapport Dalimier.110
Le 27 septembre, une commission officielle, présidée par
M. Dalimier, sous-secrétaire d’Etat aux Beaux-Arts, avait procédé
sur place à son enquête. Le 8 octobre, elle expose le rapport
au Ministère de l’Instruction Publique. Outre les dégâts
exposés dans cette expertise111,
la commission émet cette conclusion :
" En résumé, la cathédrale est défigurée
dans ses lignes et dans les détails de sa décoration ; si
sa construction puissante a résisté en partie au choc des
projectiles, on ne refera jamais ses admirables sculptures, et elle portera
éternellement la marque d’un vandalisme qui a dépassé
l’imagination. "112
Outre l’utilisation du terme de vandalisme113,
la commission insistait sur le fait que les dégâts occasionnés
étaient irréparables.
Une commission " neutre " : le
rapport Whitney Warren.114
Un autre rapport officiel, celui de Whitney Warren, architecte américain
et membre associé de l’Académie des Beaux-Arts. Ce rapport
fut lu à la séance de l’Académie des Beaux-Arts, du
3 octobre 1914.
Dès le 25 septembre, l’architecte Whitney Warren se rend à
Reims. Il note dans son compte-rendu détaillé les dégâts
causés à l’édifice, au jour le jour.
Je me permets d’en citer quelques passages :
" S’il reste quelque chose du monument, cela est dû à
la construction solide de ce que j’appellerai la carcasse, et non, j’en
suis fermement convaincu, à un désir de la part des Allemands
d’épargner le monument. "
" La seule explication que l’on puisse donner de cette profanation est
une rage de destruction qui semble avoir frappé une partie de l’armée
allemande. "
Ce rapport joue un rôle important car la nationalité américaine
de l’architecte fait que ce rapport sera considéré comme
émanant d’une commission neutre.
Le rapport de l’inspecteur Clemen.
Le gouvernement allemand avait demandé une enquête au conseiller
Clemen, nommé " inspecteur des monuments artistiques " pour la Belgique
et les territoires français envahis. Ce rapport a été
publié le 7 janvier 1915 par le Lokal Anzeiger.115
" La cathédrale n’a été touchée que par
deux projectiles, l’un lancé par un obus de 15 centimètres,
l’autre par un mortier de 21 centimètres. J’ai pu, par une claire
matinée de décembre, observer à l’aide du télémètre,
le monument, à une distance de 5 kilom. 500.
Certes la toiture de l’édifice a été détruite
par l’incendie que provoqua le premier bombardement, dans l’après-midi
du 19 novembre ; mais la façade est toujours là avec les
deux puissantes tours à l’ouest, de même que les frontons
des deux nefs transversales ; la galerie si finement ajourée qui
termine la nef principale est intacte, et l’on ne constate pas une lacune
dans l’ensemble des piliers de la façade nord, qui était
particulièrement accessible à notre artillerie. A la pointe
de la tour septentrionale, un des coins intérieurs a été
abattu. Tels sont les seuls dégâts que l’on peut constater
à la silhouette extérieure du monument. "116
Ce rapport officiel va sembler complètement risible aux yeux des
Français. En effet, l’expertise a été réalisée
à 5500 mètres et pour cette raison ne va pas paraître
plausible. De plus, l’étude faite depuis les positions allemandes,
au Nord et au Nord-Est de Reims, ne permet pas matériellement de
constater les dégâts infligés à la façade,
orientée vers l’Ouest.
La propagande développée par la France autour de l’incendie
oblige le gouvernement allemand à réagir immédiatement
: la contre-propagande est lancée.
110 Annexe p 121.
111 Les dégâts
causés par l’incendie ont déjà étaient décrits
dans la partie consacrée au bilan matériel de l’incendie.
112 DAYOT (A.),
La
Cathédrale de Reims 1211-1914, Numéro spécial
de L’Art et les Artistes, p 38.
113 Je renvoie
le lecteur pour cette question spécifique à REAU (L.), Histoire
du vandalisme. Les Monuments détruits de l’art français,
p 843 et 844.
114 WARREN (W.),
Etat
de la Cathédrale de Reims après le bombardement. (annexe).
115 VINDEX, La
Basilique dévastée : destruction de la Cathédrale
de Reims, p 34.
116 VINDEX, La
Basilique dévastée : destruction de la Cathédrale
de Reims, p 34 et 35.