2. Le 19 septembre 1914 : l’incendie
de la Cathédrale.
a. Présentation
et critique des témoignages
J’ai tenté dans cette partie de reconstituer un récit des
évènements survenus dans la Cathédrale lors de la
journée du 19 septembre 1914, en comparant les sources écrites
aux sources iconographiques.
Les sources écrites
-
Les témoignages français :
Les faits relatés sur l’incendie de la Cathédrale de Reims
proviennent principalement du chanoine Landrieux, archiprêtre de
la Cathédrale et son vicaire l’abbé Andrieux. L’abbé
Andrieux nous présente son témoignage a posteriori dans un
article paru dans le Grand Tourisme en 1923 et intitulé : " Comment
j’ai vu brûler la Cathédrale de Reims ". Le chanoine Landrieux
nous fournit son récit dans un ouvrage complet sur le sujet : "
La Cathédrale de Reims ; un crime allemand ", pendant de l’ouvrage
de Tarpel.
A cela peuvent s’ajouter les témoignages de Mme Martin37,
M. Hess38 et de M. Jadart39
reproduits dans leurs journaux respectifs.
Des témoins oculaires ont été interrogés
par M. Cochet en 1983 et cités dans sa thèse de Doctorat
de troisième cycle consacré aux " Rémois en guerre
" (1914-1918), parole de témoins et sources écrites.
16 témoignages décrivent l’incendie de la Cathédrale
Notre-Dame, mais seulement 4 assistent directement à la scène.
Enfin à cette longue liste, peut s’ajouter le témoignage
d’un officier français reproduit dans l’ouvrage de Georges de Bouhelier.
On peut également noter les témoignages respectifs de
l’abbé Auber, d’André Wolff, chantre de la Cathédrale,
de l’abbé Thinot, maître de la chapelle de Notre-Dame de Reims,
de M. Poirier, directeur d’une maison de champagne, reproduit dans l’ouvrage
d’Albert Chatelle.
-
Les témoignages allemands :
Les dépositions allemandes ne sont pas non plus à exclure
de l’analyse. Elles ont été publiées par le ministère
de la guerre allemand, en 1915, et comprennent les témoins suivants
:
-
Franz Beckmann, soldat allemand prisonnier à Reims du 13 au 19 septembre
-
Un général d’infanterie resté anonyme
-
Un capitaine d’artillerie resté anonyme
-
Le vicaire Johannes Prülage qui accompagnait les blessés allemands
installés dans la Cathédrale
-
Un colonel, chef d’état-major resté anonyme
-
Une sœur infirmière Alwine Ehlert
-
Le docteur Edmund Pflugmacher.
Les sources iconographiques
Très peu de documents iconographiques sont des témoignages
objectifs de l’incendie, sauf quelques clichés photographiques (non
trafiqués), les pastels d’Adrien Sénéchal ainsi qu’un
dessin annoté d’un soldat français conservé au Musée
des Beaux-Arts de Reims.40
-
Les clichés photographiques :
Un certain nombre d’imagiers ont, à partir d’anciens clichés,
figuré des incendies assez vraisemblables de la cathédrale.
De nombreuses reproductions ont été, en effet, trafiquées.
Divers clichés photographiques ont été réalisés
sur l’incendie :
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Cliché de l’abbé Dage à 15h00
-
Cliché d’Emile Charbonneaux pris de la rue Libergier à 16h30
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Cliché de M. Berthelomier
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Cliché de M. Doucet
-
Cliché de Jules Matot
-
Et deux autres clichés anonymes réalisés d’un immeuble,
rue de l’arbalète.41
-
Les œuvres d’Adrien Sénéchal et leurs légendes
:
Le peintre Adrien Sénéchal, revenu par le train, au tout
début de l’incendie, a représenté, grâce à
une boite à pochades42, les
différentes phases de l’embrasement de Reims et plus particulièrement
de la Cathédrale Notre-Dame.
L’artiste a réalisé durant cette journée une série
de 18 pastels, qui a d’ailleurs été éditée
sous forme de cartes postales. L’auteur va s’attacher à décrire
objectivement la scène et j’en profite pour reproduire son témoignage.
Il s’agit des notes accompagnant les pastels 1, 2, 3, 5 et 6 de la série.
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1/ Echafaudage devenu bûcher de St Nicaise
et de ses Anges (vers 15h00)
Premier foyer de l’incendie. L’échafaudage placé devant
le groupe de St Nicaise est incendié par des obus sous un violent
vent du nord.43 |
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2/ Fusion des plombs de la toiture de la nef (vers
15h30)
La fumée jaune d’or produite par la fusion des plombs de la toiture
de la nef constitue une particularité des plus dignes d’attention.
L’incendie gagne de plus en plus l’échafaudage. Les drapeaux de
la Croix-Rouge flottent sur la tour nord.44 |
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3/ Fumées enveloppantes à la chute
de l’échafaudage (vers 15h50)
A la chute de l’échafaudage une épaisse fumée enveloppe
la façade ; celle jaune d’or produite par la fusion des plombs s’y
mêle encore.45 |
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4/ L’incendie à l’intérieur (vers
17h00)
Les Allemands ayant installé une ambulance dans la Cathédrale,
l’ont remplie de paille. Celle-ci prend feu quand les flammèches
tombent de la charpente.46 |
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5/ Fin des huit cloches de la Tour Nord (vers
20h00)
La nuit arrivée, l’incendie de la charpente a cessé ;
seul le plomb continue de se consumer le long de la galerie de la Toiture
de la nef. Le feu ayant atteint la tour nord, détruit les huit cloches.
Les flammes du Palais des Rois se reflètent sur la façade
latérale de la Cathédrale.47 |
37 MARTIN (A.),
Sous
les obus et dans les caves. Note d’une bombardée de Reims.
38 HESS (P.), La
vie à Reims pendant la guerre de 1914-1918.
39 JADART (H.),
Journal
d’un Rémois, du 3 Septembre au 6 Octobre 1914.
40 Dessin de Brocquet,
M.B.A. n°971.12.1463, I.F. n°294.
41 NOLLEAU (G.),
L’iconographie
des batailles et du siège de Reims lors de la Première Guerre
Mondiale, p 32-33.
42 Propos recueillis
auprès de Mme Yvonne Sénéchal.
43 I.F. : n°285.
44 I.F. : n°286.
45 I.F. : n°287.
46 I.F. : n°288.
47 I.F. : n°289.