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L’abbé Landrieux, dans l’avant-propos de son ouvrage publié en 1919, mais dont les premiers chapitres furent écrits dès le mois de janvier 19152, décrit ainsi l’événement :
Reims va durant quatre années subir un bombardement intensif et toutes les blessures subies par la Cathédrale durant ces années vont représenter celles subies par l’ensemble de la ville. M. Cochet ajoute d’ailleurs dans sa thèse :
L’incendie de la cathédrale de Reims va se trouver modelé et déformé, afin de pouvoir jouer réellement de son rôle de symbole. Sa représentation va être utilisée afin de montrer que les Alliés mènent une guerre de civilisation contre les barbares allemands.
Le travail de l’historien comprend la critique des sources. Cependant, les sources primaires, récits de l’incendie et documents iconographiques comportent de nombreuses erreurs, qui ont été ensuite reprises par des sources secondaires. Ce travail ne se borne donc pas strictement à critiquer ces sources mais à réfléchir sur la critique de la critique : c’est à dire en quoi les erreurs effectives, conscientes ou inconscientes, sont-elles symptomatiques des idées de l’époque.
Michel Vovelle, lors d’une table ronde organisée le 27 novembre 1981 par l’Institut d’Histoire Moderne et Contemporaine (I.H.M.C.), sur le thème de " Les historiens et les sources iconographiques " affirmait d’ailleurs :
Les documents inventoriés et présentés dans ce mémoire, concernent uniquement l’incendie de la Cathédrale de Reims, c’est à dire les images découlant directement de l’événement du 19 septembre 1914. Les documents iconographiques présentant la Cathédrale en ruines ont été volontairement mis de côté, car ils pouvaient concerner un bombardement postérieur à l’incendie.
Soucieux d’une exhaustivité de mes sources, j’ai rassemblé tous les documents iconographiques recoupant cette thématique. Cependant se pose alors la question du déséquilibre dans ce catalogue. En effet, les documents ici présentés sont en majorité des cartes postales. Mon analyse iconographique s’est donc orientée, à cause du choix des collections inventoriées, vers la " culture populaire ". La question se pose alors de savoir si une méthode davantage scientifique, basée sur un échantillonnage représentatif, n’aurait-elle pas amené des résultats autres ? Par-là même, on peut se demander si certains aspects ne nous ont pas échappé, ainsi se gardera-t-on de présenter cette étude comme totalement exhaustive. Voilà aussi pourquoi, afin d’éviter d’éventuelles carences, j’ai tenu à créer un inventaire descriptif des œuvres non découvertes au cours de cette recherche.
L’apparente immobilité des images n’est pas réelle. En effet, l’image est porteuse d’un récit. La représentation de l’incendie de la Cathédrale Notre-Dame de Reims va évoluer et comporter un récit différent suivant la date et le moment où le document sera produit. Cette image n’est pas synchronique, c’est à dire représentant uniquement les faits produits en même temps, à Reims près de la Cathédrale, le 19 septembre 1914, mais associe des faits multiples en une seule dialectique.
La Première Guerre mondiale a suscité d’innombrables ouvrages et recherches historiques, et ce, dès l’immédiat après-guerre. L’histoire de ce conflit a connu un regain d’intérêt aussi bien de la part des chercheurs que de la part du grand public à l’occasion de la Commémoration de l’Armistice de 1918. Mais peut-on réduire ce conflit à l’aspect purement militaire ou même à la vie quotidienne du soldat, du " poilu " ; non assurément car la guerre est totale. Le front, tout comme l’arrière, doivent être entièrement mobilisés.
Nous possédons que peu de documents clairement datés. Cependant en utilisant les documents extraits de l’inventaire figuratif (annexe 1) et ceux de l’inventaire descriptif (annexe 2), je peux réaliser les tableaux suivants :
Au niveau de l’inventaire figuratif, je possède 294 documents dont 65 datés. Les documents sont ainsi répartis :
Extraits de l’inventaire figuratif
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Extraits de l’inventaire descriptif
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Cependant ces graphiques ne tiennent pas compte de la diffusion des images. En effet, dans de nombreuses cartes postales découvertes, le cachet postal indique l’année 1919. De plus, on ne connaît pas l’importance du tirage. Comment comparer l’impact d’une estampe vendue à 200 exemplaires à une carte postale vendue à plusieurs dizaines de milliers d’unités ?
Ces graphiques m’ont permis également de définir le cadre historique de ma recherche. La fourchette chronologique est comprise entre l’incendie de la Cathédrale Notre-Dame de Reims, le 19 septembre 1914, et la fin de la guerre, c’est à dire à la signature du traité de Versailles le 28 juin 1919. En effet la guerre psychologique déclenchée par la propagande française se poursuit bien au-delà de l’Armistice du 11 novembre, car " l’Allemagne doit payer ! " et toutes les pressions sont engagées pour arriver à ce résultat.
C’est grâce à une analyse de la thématique propre à chaque image que l’on peut les classer en deux catégories :
D’une part les images évènementielles, c’est à dire essentiellement celles produites à la fin de l’année 1914 ou tout au début de l’année 1915, présentant d’une façon documentaire ou pamphlétaire l’incendie de la Cathédrale de Reims.
D’autre part les images que j’appellerai mémorielles, c’est à dire celles qui se basent sur le souvenir de l’événement pour communiquer un nouveau message.
En se basant sur cette distinction entre les images, je propose ici un plan en trois parties. Dans un premier temps, j’exposerai les faits avérés relatifs à l’incendie. Dans une seconde partie, l’accent sera porté sur les images reproduisant l’événement. Enfin, nous nous intéresserons dans un dernier temps au caractère mémoriel des images.
Le plan ici exposé est l’inverse de la recherche que j’ai effectuée : car ma démarche n’a pas commencé par l’examen de la réalité de l’événement. Cependant, il convient d’abord de commencer par un récit détaillé des faits avérés et des faits supposés afin d’éviter que les images présentées ne sèment le doute et n’orientent le lecteur vers un récit exclusivement légendaire de l’incendie.
Nous nous interrogerons sur la vie d’un mythe : les faits dont il est issu, les motifs de sa naissance, de son apogée et les raisons de sa mort. Nous tenterons d’apporter des pistes de réponses à la question que s’est posée M. Raoul Girardet :
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