La Sainte Ampoule
A Reims, elle a fait naître la France d'un miracle.
La royauté lui devait tout.
En quinze siècles, elle a gardé son pouvoir et suscité bien des légendes.

Nous sommes en 496. Clovis est baptisé. Le jeune chef valeureux - mais païen - s'en remet à la grâce de Dieu. Dieu lui adresse un signe à nul autre pareil : le Chrême (huile mêlée de baume) venant à manquer, c'est une colombe plus blanche que neige qui apporte, dans son bec, la céleste ampoule.
Aucun des contemporains de Clovis n'ont font mention de ce miracle. C’est en 869, lors du sacre de Charles le Chauve, que l’archevêque de Reims, Hincmar, évoque cette histoire.

Miracle ? Vous avez dit miracle ?

Le rôle d'Hincmar est essentiel. C'est lui qui le premier établit un lien entre le baptême de Clovis par Saint-Remi et le sacre des rois de France. Rien n’est cependant attesté. Sans nous pencher sur toutes les hypothèses, retenons la part symbolique et les éléments historiques qui n'ont pas manquer de jouer leur rôle. Il attache sans nul doute la plus haute importance à sa découverte.

Voici pour les approches les plus réfléchies. Et si le miracle avait bel et bien eu lieu, quitte à s'être produit à un autre moment sous la venue d'un "céleste rosée" durant le baptême d'un malade ?!
Reconnaissons à la Saint Ampoule la toute puissance d'occuper les esprits jusqu'à la fascination.

Merveilleuse Sainte Ampoule

"Il semble que la divine fiole soit de verre ou de cristal. Si vous y appliquez l'odorat, elle sent tout à fait le baume le plus exquis".
Tout est dit par Dom Marlot sur la suavité inexprimable dégagée par le contenu de cette (petite) Ampoule de 42 mm de haut.
Et les on-dit affluent dès le XIIIème siècle. Le contenu ne changerait jamais de niveau ou ce niveau serait appelé à varier selon la santé du Roi. On imagine aussi que le contenu se renouvellerait de lui-même. En fait, une fois le sacre achevé, on remplaçait dans la fiole ce qui demeurait sur la patène du mélange obtenu (par prélèvement avec une aiguille d'or d'une parcelle de baume et de Saint-Chrême). Tout, dans le cérémonial du sacre, indique et appelle la solennité. Quatre grands seigneurs désignés par le futur monarque prêtent serment de protéger la Sainte Ampoule au prix de leur vie.
Et il en va ainsi pour des siècles et des siècles jusqu'au 11 juin 1775, dernier sacre avant la révolution.

Briser l'Ampoule, briser les Rois

Briser une fois pour toutes le lien privilégié entre Dieu et la royauté. De là, rendre cette dernière illégitime, impossible... c'est le vœu de la Convention qui, en 1793, dépêche Rhül à Reims.
Est-il encore temps de sauver la Sainte Ampoule, que le dernier grand prieur croyait déjà soustraire ? Le 6 Octobre, Jules Armand Seraine, curé constitutionnel de Saint-Remi et un officier municipal, Philippe Hourelle, extraient et dissimulent ce qu'ils peuvent du baume. Le lendemain, à 14 heures, au piédestal (vide) de Louis XV, place Royale - rebaptisée nationale - Rhül détruit la Sainte Ampoule. En sautant, deux petites esquilles de verre sont récupérées par Louis Champagne Prévoteau. Deux minuscules parcelles de baume subsistent. 25 ans de silence s'ensuivent.

"Nous en avons encore"

Voici la Restauration et une grande séance de dépositions.
Le 11 juin 1819 voit la séance de la remise des différentes parcelles de baume. Une nouvelle fiole est réalisée pour recevoir ces restes, mélangés avec solennité au baume consacré. Un orfèvre du roi a conçu le nouveau reliquaire. Lors du sacre de Charles X, le 29 mai 1825, l'Archevêque de Reims peut reprendre à son compte la phrase d'Hincmar "Et nous aussi nous en avons encore".
Les rebondissements vont se poursuivre, bien au-delà de cet ultime sacre enraciné, depuis Hincmar dans un prodige qui seul fait le vrai roi. Jeanne D'Arc le savait bien qui exhortait déjà Charles VII à se faire sacrer à Reims. Une série de gestes chrétiens va désormais présider aux destinées de la Sainte Ampoule.
Entre autres recherches capitales, l'Abbé Jean Goy découvre en effet en 1979 divers documents dont un procès verbal de 1906 qu'il traduit du latin. En pleine séparation de l'Église et de l'Etat, Monseigneur Luçon a pris soin, par peur de la perte ou de la profanation, de transférer le Chrême dans une ampoule de verre, scellée de cire rouge. L'Abbé Goy qui a trouvé vide la fiole du sacre de Charles X retrouve la fiole contenant le baume extrait en 1906...

Revenons pour finir à 1937, autre date historique. La Cathédrale martyre de la Grande Guerre a repris vie. Le 18 octobre, son Autel majeur est consacré. Lieu de rencontre entre l'humain et le divin, elle a reçu le traitement d'un roi !

L'éternel retour du secret

Une France à la foi refroidie serait-elle toujours en quête des situations providentielles ?
L'Abbé Goy se trouve confronté à un nouveau mystère. C'est le sulfureux ouvrage d'Eric Muraise, "Histoire et Légende du Grand Monarque" qui met le feu aux poudres. En 1793, Rhül aurait conservé l'authentique Sainte Ampoule. Elle se serait transmise, via ses neveux, de génération en génération pour être restituée (à Reims) au Général De Gaulle afin d'aller aux dires d'un certain "homme qui savait", dans les mains de "qui il convient" dixit le Président de la République d'alors.
Le Général de Gaulle n'étant plus de ce monde, le secret s'épaissit et de nouveaux témoins masqués jouent à cache-cache avec un goût inné pour la disparition au moment fatidique du débat...
Ce qui fait dire à l'Abbé Goy, en guise de conclusion, que la Sainte Ampoule se trouve bien dans les mains de qui il convient, à savoir l'Église de Reims.



Sources :
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