La Malterie de Champagne

La Chapelle-Saint-Luc (10)

C'était la plus ancienne et la plus importante de la région.

Une malterie transforme l'orge en malt d'orge ou " Malt " matière première utilisée en brasserie pour la fabrication de la bière et du whisky. Le procédé consiste essentiellement à tremper de l'orge dans les cuves, de façon à amorcer artificiellement sa germination, à contrôler cette dernière dans des germoirs, et à l'arrêter, à un stade déterminé, dans un séchoir appelé touraille.

La Malterie de Champagne fut fondée en 1883 par Monsieur Alfred Bonette et son frère, à la Chapelle Saint Luc, dans un lieu de production d'orge de Champagne réputées pour leurs qualités brassicoles. D'une conception moderne pour cette époque, elle était constituée par des greniers à grain, des cuves à tremper, des cases de germination équipées de retourneurs mécaniques, d'une touraille double à deux plateaux, de silos à malt, le tout situé dans un grand parc, entre la route de Troyes à Méry sur Seine et les voies ferrées de la gare de Troyes-Preize. Sa clientèle était constituée par les brasseries locales, celles des environs, et même celles des régions parisienne et de l'est de la France, alors fort nombreuses.

Quelques années avant la guerre de 1914 et la retraite de Monsieur Bonette, Monsieur Henri Pignerol, qui s'est associé à lui, assuma dès lors la direction de l'affaire transformée en société anonyme. La société prit de l'essor et adapta son outil de production aux impératifs techniques de l'époque. Une imposante touraille dont la structure subsiste encore fut commandée en 1925 au constructeur spécialiste belge Van Caspel. La clientèle s'étendit aux brasseries de toutes les régions de France, notamment du centre, de l'ouest et du midi.

La malterie de Champagne fut très éprouvée par la Seconde Guerre mondiale. Outre le fait que l'orge tomba pendant 4 ans sous le coup d'un rigoureux contingentement allemand qui lui fit perdre plus de 50% de son activité, elle fut atteinte par plusieurs coups directs lors de deux bombardements aériens des alliés sur le nœud et les installations ferroviaires de la Chapelle St Luc (1er et 30 mai 1944). Une partie des bâtiments et des forces vives, toutes les toitures, portes, fenêtres et cloisons durent être remises en état… avec les moyens réduits dont on disposait encore, en France, en cette période tragique. Par miracle, aucune victime ne fut à déplorer, bien que le 30 mai, le personnel, qui avait eu le temps de gagner les abris, se trouvait au complet sur place.

Après la guerre, un effort particulier du service commercial aboutit à s'assurer une clientèle à la fois fidèle et exigeante à l'étranger (Luxembourg, Suisse, Italie). Dans les années " soixante ", la malterie de Champagne créa avec quelques collègue un Groupement d'Intérêts Economiques (G.I.E.) : UNION MALT, qui exploita au maximum la possibilité d'exportation d'alors, la France devenant le 1er pays mondial exportateur de malt. A cette époque, 50% de la production de la Chapelle Saint Luc fut accaparée par l'exportation, y compris pour des destinations lointaines comme l'U.R.S.S., le Moyen Orient, l'Extrême Orient et l'Afrique. Entre temps, avait été implantée une nouvelle touraille circulaire des Etablissements NORDON de Nancy, alimentée au gaz naturel, entièrement automatisée et très performante. Des problèmes de logistique, ainsi que la création de nombreuses et importantes capacités de production concurrentes, notamment sous forme coopérative, firent que la décision fut prise, en 1975, d'arrêter la production de malt.


Auteur :  Yann HARLAUT
Sources :

Mémoire orale et écrits de Claude PIGNEROL

Iconographie : Photographies : Yann HARLAUT
  • Roger DONON et Yann HARLAUT, Mémoire en Images. La Chapelle-Saint-Luc , Editions Alan Sutton, 205, 128 p, ISBN : 2842538943.

Retour à la page principale
Retour