Jeanne d'Arc et le sacre de Charles VII
par l'abbé Cerf

extrait de l'ouvrage "Histoire et description de Notre-Dame de Reims", 1861


 

Le long règne de l'infortuné Charles VI s'était terminé au milieu des calamités de la France (1406). La France est à deux doigts de sa perte.

Le dauphin Charles, privé de ses états, est proclamé roi par quelques fidèles serviteurs.

Mais tandis que le monarque perd gaîment son royaume, Dieu veille sur la fille aînée de l'Eglise, et pour sauver la France, les miracles vont se multiplier. Voulant montrer aux hommes que toute force et toute puissance viennent de lui, Dieu suscite une jeune bergère, lui communique et la science des batailles, et le courage des guerriers. De triomphes en triomphes, Jeanne d'Arc, accomplissant la mission divine qu'elle a reçue, Jeanne, la libératrice d'Orléans, conduit le jeune roi à travers un pays occupé par les Anglais.

Troyes et Châlons se rendent. Le roi s'avance jusqu'à Sept-Saulx, château appartenant à l'archevêque de Reims, à quatre lieues de la ville ; les bourgeois lui envoient leur soumission. Charles fait son entrée dans la ville au son des cloches, et le lendemain, Dimanche 17 Juillet 1429, il recevait à Notre-Dame l'onction royale, qui allait affermir sa domination et dissiper toutes les incertitudes de la France.

Le sacre fui aussi solennel que le permettait le peu de temps que l'on avait eu pour s'y préparer. La cathédrale de Reims était, d'ailleurs, arrivée à l'apogée de sa gloire. Le jubé, la clôture de pierre venaient d'être terminés par Colard de Givry. Au dehors, la cathédrale voyait s'élancer dans les airs ses deux clochers si harmonieusement placés au-dessus du portail ; les travaux interrompus depuis 1381 venaient d'être repris en 1427 ; poussés avec activité, ils touchaient à leur terme ; une énorme fleur-de-lis allait couronner les deux tours, en attendant les flèches qui doivent les compléter.

« Toute la nuict, fit-on diligence, que tout fust prest au matin, et fust un cas bien merveilleux ; car on trouva en la dite cité toutes les choses nécessaires, qui sont grandes, et si ne pouvait-on avoir celles de Saint-Denis en France. »

Dans ce sacre, ne fut point observé tout le cérémonial accoutumé; les chevaliers, barons delà Sainte-Ampoule, n'étaient point présents ; les pairs de France manquaient : les princes et seigneurs de la suite du roi remplirent ces fonctions. Deux maréchaux de France, le maître des arbalétriers, le grand-amiral furent députés pour accompagner la Sainte-Ampoule, qu'apporta l'abbé de Saint-Denis, « revestu des habillements ecclésiastiques, bien solennellement et dévotement dessoubs un poisle. »

Le roi vint au lieu qui lui avait été ordonné, « vestu et habillé de vestements à ce propices. » L'archevêque lui fit faire les serments accoutumés ; le roi fut armé chevalier par le duc d'Alençon, puis Regnaull de Chartres procéda à la consécration, récitant toutes les prières contenues au pontifical.

Mais celle qui attirail surtout les regards, c'était Jeanne, debout près de l'autel, en habit de guerre, tenant en main son étendard symbolique, ce drapeau, la terreur des Anglais et la gloire de la France.

Jeanne sentait que sa mission était accomplie : elle avait délivré Orléans, elle avait fait sacrer le roi à Reims. A la fin de la messe, elle se jeta aux pieds du roi, « pleurant à chaudes larmes, provoquant plusieurs à pleurer. » Elle suppliait Charles de vouloir bien lui permettre de se retirer, et de s'ensevelir dans sa première obscurité ; elle voulait retourner avec son père et sa mère pour garder leurs troupeaux. Le roi n'y voulut point consentir.

Nous n'avons pas à dire comment Jeanne, désormais privée de l'appui miraculeux qu'elle avait reçu du ciel, fut prise à Compiègne et indignement brûlée par les Anglais.

Charles VII s'était montré ingrat envers l'héroïne qui avait sauvé la France.

Vingt-cinq ans plus tard, par ordre du pape Calixle III, le procès fut révisé, et la mémoire de l'héroïne réhabilitée. Jean Juvénal des Ursins, archevêque de Reims, fut délégué du pape pour celte affaire.

Charles VII fut témoin de cette réparation (1456). En 1461, ce prince mourut.


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