Reims, Olympie moderne

Pionniers et champions rémois

Les semaines de l'aviation et le parc des sports Pommery au début du siècle

La pratique du sport est aujourd'hui une activité non seulement reconnue, mais encore fortement recommandée. Il n'en fut pas toujours ainsi et ce n'est que dans le premier tiers du XIXe siècle que l'on chercha à le développer. Comme toute nouvelle discipline, le sport s'imposa lentement grâce à la détermination de pionniers courageux et désintéressés.

Dans cette aventure moderne, Reims occupe une place de choix, non seulement pour avoir été une ville pilote en la matière, mais encore pour avoir été le terrain de manifestations de niveau international. Cette réussite Reims la doit à des personnalités d'exception qui ont laissé leur nom dans l'histoire du sport et au soutien sur plusieurs générations des rémois eux-mêmes.

Une ville de pionniers

L'acte fondateur du sport moderne à Reims fut la création, en 1856, des Régates Rémoises, premier club sportif attesté, néanmoins la renommée de la ville à la fin du XIXe , provenait essentiellement de la pratique de la gymnastique. Le premier groupement de gymnastes rémois se constitua à partir de 1865 et une première société fut fondée le 29 janvier 1868 : la Société de Gymnastique de Reims. Sept autres sociétés suivirent : La Gauloise , devenue l'Ancienne (1869) ; La Fraternelle (1872) ; La Vigilante (1880) ; La Rémoise (1880) ; La Patrie (1881) ; La Sentinelle (1883) ; Les Volontaires d'Alsace-Lorraine (1886). Ces huit sociétés formèrent bientôt l'Union Rémoise des Sociétés de Gymnastique, qui devait être à l'origine de l'importante Fédération des Sociétés de Gymnastique de l'Est. Ces sociétés sportives eurent à Reims un retentissement considérable et outre l'entraînement de leurs membres, elles assuraient des cours populaires de gymnastique dans la ville et dans la périphérie, surtout sous l'influence du professeur Defrançois. Chaque année les sociétés organisaient des spectacles et démonstrations de gymnastique sur fond musical, notamment au cirque de Reims. L'Union Rémoise des Sociétés de Gymnastique organisa, en 1893 au Vélodrome de la Haubette (nouvellement construit) et en 1897 au Cirque, de grandes manifestations de gymnastique qui connurent un succès considérable.

La gymnastique eut du mal à s'imposer tant pour des questions financières que pour des questions de mentalité. Les décrets que d'aucun trouverait lents dans leur promulgation, le furent souvent encore plus dans leur application. La municipalité de Reims eut à cet égard une attitude exemplaire, largement soutenue par le docteur Decès, conseiller municipal, qui favorisa la mise en place d'un véritable projet éducatif. Dès 1872, dans toutes les écoles de garçons et de filles de Reims la gymnastique était pratiquée, alors que le décret la rendant obligatoire sur tout le territoire n'est sorti qu'en 1881. L 'intérêt de la ville pour le sport nous est également donné par le projet, en 1882, d'une École Normale pour la formation des professeurs d'éducation physique, que les nouvelles lois de l'instruction publique rendaient nécessaires. Le projet ne put aboutir et ne fut réalisé qu'en 1941, soit soixante ans plus tard, par la création des Centres Régionaux d'Éducation Physique et Sportive ( C.R.E.P.S. ). Le docteur Decès avait établi un projet très élaboré et la municipalité avait accordé un terrain en ville de 6000 m² dont la superficie pouvait être étendue. Le projet prévoyait un enseignement pour 150 à 200 élèves masculins et 50 élèves féminins, et donnait les prix des repas, la rémunération du personnel et des enseignants etc... comme l'installation pratique des dortoirs des élèves, etc...

La société de gymnastique de Reims fut une des trois sociétés fondatrices de la Fédération de Gymnastique de France, qui devait devenir le 23 septembre 1873 : l'Union des Sociétés de Gymnastique de France qui passa en 6 ans de dix sociétés affiliées à plus de 500. L 'Union des Sociétés de Gymnastique de France organisait chaque année une grande Fête Fédérale et deux fois, en 1876 (IIe Fête Fédérale) et en 1882 (VIIIe Fête Fédérale), Reims fut choisie pour accueillir cette manifestation. Le 27 mai 1882 Jules Ferry alors Ministre de l'Instruction Publique dont la loi sur l'instruction laïque était passée deux mois plus tôt (le 28 mars 1882) honorait de sa présence cette Fête Fédérale et fit un discours où il déclara que la culture de l'intelligence n'était pas tout, qu'il fallait donner à l'homme progressivement les moyens, de l'endurance et de l'épanouissement pour en faire un citoyen apte à servir son pays.

1907-1911 : Le parc des sports Pommery

En 1907, Melchior, Marquis de Polignac, prenait en main le destin de la Maison Pommery avec un double désir : développer le prestige de la Marque Pommery & Greno et poursuivre l'oeuvre sociale de sa grand-mère, Madame Veuve Pommery. Son ambition est de doter la Maison Pommery , d'un parc de jeux et de sports à l'usage de son personnel et de leurs familles (les "cavistes" étant privés, dans leur travail, du soleil). Le projet est ambitieux, car c'est le terrain rocailleux recouvrant ses propres caves qu'il choisit. Face à la Montagne de Reims, 22 ha de sol crayeux sont ainsi aménagés, sous l'égide de l'architecte-paysagiste rémois E. Redont. C'est à partir de 1909 que des centaines d'ouvriers (terrassiers, sylviculteurs, maçons, charpentiers...) s'attellent à l'ouvrage : le sol est débarrassé de ses pierres, la craie est remplacée par de la terre végétale, tout un massif d'arbustes est ainsi planté, un millier d'arbres de 5 à 10 mètres de haut sont acheminés. En 1911, un jardin artificiel et un complexe sportif superbement doté émergent alors en pleine nature, contrastant totalement avec l'environnement.

Ce projet colossal est totalement achevé en 1911, les travaux ayant duré deux ans. Le Parc Pommery comprend alors :

La vocation originelle du parc (l'accueil du personnel de la Maison Pommery ) est très tôt dépassée, et ce sont les enfants des hospices et de l'ensemble des groupements scolaires de Reims qui peuvent profiter de toutes ses infrastructures. Les sports d'équipe sont à l'honneur et le "foot-ball" récemment importé d'Angleterre connait un grand engouement auprès des jeunes cavistes ainsi que de leurs spectateurs.

22 au 29 août 1909 : La première semaine de l'aviation de Bétheny-Reims"

Voler a toujours émerveillé l'homme, admirateur ou non de Jules Verne. En 1909 le Marquis de Polignac réussit le pari audacieux de réunir l'élite de l'aviation mondiale à Bétheny. Le déclic fut cette prouesse réalisée le 30 octobre 1908 par Farman, franchissant les 27 km qui relient Bouy à Reims en 20 minutes. C'est sur cet exploit que se crée à Reims un Comité pour l'organisation d'une grande épreuve d'aviation sportive. Toutes les grandes marques de Champagne sont présentes, Heidsieck-Monopole, Louis Roederer, Moët et Chandon, Veuve Clicquot-Ponsardin, G.H. Mumm et en première ligne, la maison Pommery. A 29 ans, le marquis de Polignac se retrouve président de ce comité. La similitude de cette réalisation avec celle du Parc Pommery est évidente. Il fallait en effet crée ex-nihilo toute l'infrastructure nécessaire à cette manifestation : 18 km de palissade, 35 hangars, des tribunes, tout un ensemble de commodités et de restauration. On va même jusqu'à réaliser un accès direct par chemin de fer. Tous les grands aviateurs sont présents, Louis Blériot, Glen Curtis, Henri Farman, Latham, Paulhan... en tout 37 appareils défilent sur la piste.

Outre un réel enthousiasme populaire, c'est toute une publicité savamment orchestrée qui permit une telle réussite, provoquée par l'exploit mondial de la traversée de la Manche par Blériot, quelques semaines auparavant, le 25 juillet 1909. Cette manifestation eut un succès foudroyant, 470 000 entrées dont 150 000 le dernier jour, d'illustres personnalités sont présentes : le prince et la princesse Albert de Belgique, lord Northcliffe, Lloyd George (alors chancelier de l'Echéquier). Les notables français ne sont pas en reste : M et Mme Armand Fallières (président de la République ), Aristide Briand (président du Conseil), Alexandre Millerand, Léon Bourgeois et le Général Brun (ministre de la guerre). De grands exploits sportifs marquèrent l'histoire de l'aéronautique mondial : Paulhan parcourt 131 km en 2h43min, Latham s'élève à 150 mètres au dessus des tribunes et Farman bat le record de distance en couvrant 190 km .

3 au 10 juillet 1910 : La deuxième semaine de l'aviation de Bétheny-Reims"

Le formidable élan de la première manifestation ne pouvait qu'avoir un écho. Ce second souffle fut apporté un an plus tard. L'organisation est similaire, cependant les personnalités présentes dénotent une réelle internationalisation de ce concours : M et Mme Armand Fallières, Louis Barthou, Alexandre Millerand mais aussi Hermès de Fonseca (président du Brésil), le Grand Duc Alexandre (représentant de la Russie ). Si les exploits de 1909 furent sensationnels, ceux de 1910 démontrent l'évolution fulgurante de l'aéronautique mondiale : le record de distance passe de 190 km (H. Farman) à 392 (Olieslagers) ; le record de vitesse passe de 78 km/h (Blériot) à plus de 106 (Morane) ; enfin Latham bat son propre record de la plus grande hauteur, passant de 155 à 1384 mètres . En terme d'ingénierie, le succès des monoplans sur les biplans furent incontestable, démontrant la supériorité des Antoinette et des Blériot sur les biplans de type Sommer, Farman ou Voisin. C'est un concours très amical que se livrèrent les pilotes, animés d'une commune passion pour l'aviation naissante.

23 juin 1912 : Le retour des athlètes de Stockholm

En 1892, à l'issue du banquet de clôture du Jubilé de l'Union des Sociétés Françaises de Sports Athlétiques, le Baron Pierre de Coubertin exposa pour la première fois un projet de rénovation des Olympiades telles qu'elles étaient pratiquées dans la Grèce Antique. C'est deux ans plus tard, en 1894, au cours d'un Congrès International d'Éducation Physique, que furent officiellement institués les Jeux Olympiques. En 1896, les premières olympiades modernes se déroulent à Athènes, puis Paris (1900), Saint-Louis (1904), Londres (1908) et enfin Stockholm (1912). Les résultats français se révèlent souvent bien médiocres. Les Jeux sont totalement dominés par les Anglais, les Américains, les Scandinaves. A Stockholm, la Suède sort grand vainqueur, et la France , malgré sa vedette Jean Bouin, se retrouve sixième.

Dans le but d'intéresser les Français au sport, le Marquis invite les médaillés olympiques à faire une démonstration de leurs talents au Parc Pommery. Le 23 juillet 1912, soixante-neuf athlètes, dont vingt-trois champions américains, se réunissent et concourrent pendant les "Jeux Olympiques de Reims". Les meilleurs sportifs français sont présents, la Société du Parc Pommery présentant de son côté trois de ses athlètes : MM. Grosselle, R. Grosselle et A. Detourbes. A 14 h, ce ne sont pas moins de 23000 spectateurs qui se pressent pour admirer l'élite sportive mondiale. Cependant, malgrè cette foule enthousiaste, les résultats français restent médiocres, à l'exception de Jean Bouin qui arrache la médaille d'or dans la course des 5000 mètres. Cette deuxième défaite française démontre une nouvelle fois le retard français en matière de formation sportive.

Une vaste campagne de presse, animée surtout par Georges Rozet du journal l'Opinion, s'insurge contre le manque d'attention portée en France, en matière sportive. Le 10 août 1912, l 'Opinion publie un article jetant les bases de la renaissance athlétique française :

"Considérant que désormais la valeur sportive d'une nation s'ajoutera, d'une façon qui n'est point négligeable, à ses prestiges, à sa valeur sociale proprement dite, doit-on désirer la création, en France, d'une véritable élite du muscle dans une sorte de collège d'athlétisme ?"

En octobre 1912, un comité est mis en place, afin de préparer les athlètes aux futures olympiades prévues à Berlin en 1916. Tout un ensemble de personnalités se groupent autour de ce projet : Jean Richepin (académicien), Gabriel Bonvalot (explorateur), le docteur Boucard (directeur de la revue " la Renaissance physique"), Maurice Colrat (directeur du journal "l'Opinion"), le docteur Weiss (professeur à la faculté de médecine de Paris), le docteur Helme, Jacques Balsan, Auguste Rodin et le Marquis de Polignac. Dans un élan national, il s'agit d'améliorer les exploits sportifs de la France ainsi que de préparer une nouvelle génération d'athlètes.

12 avril 1913 : Le collège d'athlètes

Le comité va publier un manifeste établissant précisément ses ambitions. Le futur collège d'athlètes devra être :

Face à ce projet ambitieux, le Marquis de Polignac se propose de mettre une partie de son Parc des sports au service de ce futur collège. Le directeur de ce projet sera le lieutenant de vaisseau Georges Hébert dont la Méthode Naturelle a déjà séduit les spécialistes et le Marquis de Polignac. Quelques extraits de son livre, " la Méthode Naturelle " permettent de nous éclairer sur sa théorie :

"L'homme est, physiquement, un animal semblable aux autres animaux... L'homme non civilisé est encore astreint par les nécessités même de la vie, à pratiquer les exercices pour lesquels son corps est fait... L'homme civilisé, au contraire, est arrivé, par sa civilisation même, à s'exempter de la plupart de ces exercices naturels et utilitaires, et c'est pourquoi il s'étiole. Il n'y a qu'un moyen de lui restituer sa force et sa beauté idéales, c'est de soumettre artificiellement, au moins pendant quelques quarts d'heure par jour, ou, si l'on veut, de lui refaire artificiellement une vie naturelle..."

C'est le site prévu initialement pour le vélodrome du parc Pommery qui sera finalement la place choisie par le Marquis pour construire le Collège d'athlètes. Six mois d'aménagement sont nécessaires pour réaliser un complexe de 4 hectares où les aires sportives se diluent dans le cadre champêtre, où sont parsemées des statues des antiques "Dieux du stade". Les installations comprennent :

L'organisation du collège profite de l'expérience que depuis dix ans Georges Hébert menait à l'Ecole des Fusiliers Marions de Lorient. L'équipe responsable du Collège est composée de Georges Hébert (directeur technique), E. Guy (directeur administratif), Jean Raymond Guasco (secrétaire général). En outre, sont également présents 12 moniteurs et 2 médecins à plein temps. Rapidement 50 officiers et 70 sous-officiers des 16e et 22e dragons viendront chaque jour prendre des leçons d'assouplissement.

Retentissement national et international

C'est le 12 avril 1913 que le Collège d'Athlètes est officiellement ouvert, sans cérémonie, celle-ci sera pour plus tard. Une grande masse de personnes vont affluer à Reims dont le "Tout Paris" et l'ensemble de l'élite sportive de l'époque. Outre le champion Jean Bouin, des athlètes prestigieux, tels Campana, Delaplane, Granger, Peux et Maltête vont dorénavant s'entraîner au sein du Parc Pommery.

La première consécration officielle survient, le 28 mai 1913, lors de la visite de Léon Barthou, chef de cabinet du président du conseil. Il était accompagné en autre du marquis de Polignac, de M. de Montebello (député) et de M. Perron (inspecteur d'Académie). Une démonstration athlétique d'une heure est présentée au chef de cabinet : marches, courses, assouplissement des membres, tractions à la barre de suspension, corde lisse, sauts en longueur et hauteur, lancements des poids se succédent. Cette leçon-type avait pour but, de présenter aux membres du gouvernement la Méthode Naturelle , qu'Hébert expliqua lui même. Après la visite, le marquis de Polignac offre un déjeuner en son hôtel, rue Andrieux. et prononce au dessert un discours demandant, au gouvernement, une réelle politique sportive.

La visite du Président de la République française, le 19 octobre 1913, est une manifestation extraordinaire pour la vieille cité de Reims. C'est à 10h00, que M. Raymond Poincaré, accompagné de M. Stéphen Pichon, ministre des Affaires Étrangères et du général Beaudemoulin, arrive en gare. Le cortège présidentiel est reçu sur le quai par M. Langlet, maire de Reims, M. Chapron, préfet de la Marne , M. Lenoir et M. Haguenin, députés de Reims ainsi que par de nombreuses personnalités dont des membres de l'armée, qui entonnent la Marseillaise. Ce n'est pas moins de trente-cinq voitures qui vont composer l'ensemble du cortège. Le parcours se comprend une réception à l'Hôtel de Ville, l'inauguration de la Maison de la Mutualité , un banquet à la Chambre de Commerce, puis l'inauguration du Musée des Beaux-Arts, enfin l'ensemble des personnalités prennent la direction du Parc Pommery.

Ils y furent reçus par le Marquis de Polignac, entouré des notabilités sportives. Cette visite du président de la République démontre l'évolution des mentalités en matière sportive. Le président et 20 000 spectateurs assistèrent tout d'abord à une course de 3000 mètres à laquelle participa Jean Bouin. Puis dans l'enceinte du Collège d'athlètes évoluèrent des garçons et des filles, vêtus à la manière antique, alternant chants patriotiques et démonstrations sportives. Ce foisonnement d'énergie démontra les valeurs thérapeutiques du sport et de l'Hébertisme, surtout contre le rachitisme. Des monoplans, venus de l'aérodrome de Bétheny, dont l'un était piloté par Prévost, réalisèrent des figures acrobatiques au-dessus de la foule émerveillée.

La visite protocolaire de Reims se termina par un banquet à l'Hôtel de Ville qui réunit, dans la salle des Fêtes, trois cent cinquante convives. Un discours du maire, M. le docteur Langlet illustra l'intérêt de la municipalité pour le sport, puis M. le sénateur Vallé, dans un discours patriotique enflammé, parla du lien qui unissait jadis la Champagne à la Lorraine , avant la séparation de 1870. M . Raymond Poincaré clôtura le repas par un discours fort cordial et loua l'accueil qu'on lui avait réservé. Son départ eut lieu à 9h30 sous de vives acclamations : sa visite apparut comme un soutien personnel à l'oeuvre du Marquis de Polignac.

24 juin 1914 : La Fête Grecque

En l'honneur des membres du Congrès international olympique, une somptueuse fête fut organisée au sein du parc Pommery, le 24 juin 1914. De hautes personnalités de toutes nationalités, dont le baron Pierre de Coubertin et le dessinateur Jean-Louis Forain, visitèrent les installations et assistèrent à une démonstration de la Méthode Naturelle. A l'occasion du banquet, à une heure de l'après-midi, l'action du Marquis de Polignac fut soulignée en des termes élogieux, insistant sur la valeur d'exemple d'une telle réalisation. A l'issue de ce déjeuner, des voitures conduisirent les convives au champs d'aviation de Bétheny-Reims, où des vols eurent lieu en leur honneur. En fin de soirée, vers neuf heures, l'alliance de l'art et du sport fut exaltée, à la manière de la Grèce Antique. M. Durec, metteur en scène du théâtre des Champs-Elysées, orchestrait l'ensemble de la manifestation, dans la plus pure esthétique des ballets russes. L'harmonie des oeuvres musicales de Moussorgsky, Debussy, Borodine et de Rimsky-Korsakow, rythmèrent tout le cérémonial du concours athlétique. Des athlètes participent à des courses à pied, à des concours de lutte, au pentahle, tandis que dansait, l'étoile de la fête, Mlle Natacha Trouhanowa, entourée des élèves de Mlle Ronsay. Ce grand élan sportif regroupe plus de six mille figurants, dansant et chantant. Ce gigantesque triomphe gréco-romain est une consécration pour Melchior de Polignac, élevé au rang des plus grands mécènes des arts et des sports.

1914-1918 : Le martyr du Parc Pommery

L'attentat du 28 juin 1914, qui coûta la vie au prince héritier autrichien, l'archiduc François-Ferdinand, enflammera l'Europe, puis le monde. Reims exposée va devenir d'abord ville ouverte, puis ville-martyre. L'avancée de l'armée allemande, sur le front français, est fulgurante. Le 4 septembre 1914, Reims se retrouve occupée. Les troupes françaises d'abord bousculées, contre-attaquent, et le 12 septembre, Reims est reconquise. La Bataille de la Marne sonne le glas de l'avancée allemande. Cependant ces derniers se sont retranchés et la contre-offensive française est stoppée : la guerre de mouvement devient guerre de position. Reims se retrouve près de la ligne de front et c'est toute une vie souterraine qui s'organise. Les tranchées s'étendent sur une ligne La Neuvillette - Bétheny - Cernay-les-Reims - La Pompelle. Les établissements Pommery, dominent tout le secteur et se trouvent dans l'axe des tirs allemands. Dans les communiqués de guerre, le parc Pommery devient la Redoute de Reims ou bien encore le Réduit Pommery. Les obus et les gazs asphyxiants sèment la terreur et en avril 1918, Reims est finalement évacuée. Le 11 novembre 1918, l 'armistice est signée et les Rémois rentrent chez eux. La saignée humaine est considérable et la ville tout comme le parc Pommery, ne sont plus qu' amas de ruines.

La renaissance du Parc Pommery et du sport rémois

Si la guerre avait brisé bien des personnes, tant moralement que physiquement, le Marquis de Polignac, l'ardeur au coeur, assuma ,outre ses activités au sein de la Maison Pommery , la Présidence de la Société Coopérative Générale de Reconstruction de Reims. Sous l'impulsion d'autres personnalités locales, tels que le docteur Jean-Marie Langlet, Marcel Forestier, le Docteur Téchoueyres, Charles Roche et Paul Marchandeau, l'organisation, dans l'urgence, d'un "Reims provisoire" fut réalisée. Pour la reconstruction de Reims, le plan Ford est adopté, associant la reconstruction à tout un ensemble de nouvelles réalisations. Au niveau du Parc Pommery, les difficultés financières, liées au vignoble ravagé, ne permirent pas de rétablir le Collège d'Athlètes : une page historique était irrémédiablement tournée. Le marquis de Polignac décide que la priorité serait portée sur le parc. Il fallait d'abord nettoyer le terrain en le débarrassant des fils barbelés et des centaines d'obus non éclatés. Des sociétés rémoises, telles que la société Escoffier, eurent entre leurs mains le colossal chantier de la Reconstruction. Le désastre était tel qu'il fallait non point réparer le parc, mais véritablement le reconstruire. Trois ans furent nécessaires à sa renaissance, mais si le parc semblait revivre, l'absence de nombreux fondateurs empêchait toute régénération totale. Rapidement, le Parc Pommery renoue avec son passé, et les 17, 18, et 19 juillet 1926, plus de cent sociétés de gymnastique féminine participent à des exercices.

Après 1925, avec l'arrivée à la mairie de P. Marchandeau, la municipalité va montrer un intérêt grandissant pour le sport, notamment par l'instauration d'une commission sportive. Si le sport d'avant-guerre fut dominé par des réalisations privées (comme le vélodrome de la Haubette et le Parc Pommery ), la ville organise de plus en plus les manifestations ( "Traversée de Reims à la nage", "Tour de Reims pédestre" ) et met en place des infrastructures ( comme en 1931 la Piscine Tallayrand , réalisation de la société Escoffier ).

1925-1960 : Les bolides du circuit de Gueux

L'après guerre est la consécration pour de nouveaux sports, tels que les sports motorisés. Sous l'impulsion de Raymond Roche, le "Grand Prix de la Marne " est organisé le 2 août 1925 sur un circuit de 22 kilomètres autour de Beine. Les vainqueurs, Clause, Cestienne et Ivanowski, dépassèrent les 100 km/h de moyenne. L'enthousiasme des foules permet l'année suivante de réaliser un circuit automobile à Gueux, long de 7,8 kilomètres , ainsi que des tribunes, des stands de ravitaillement et des enceintes de pesage. Dès 1927, la réputation du Grand Prix est déjà faite, et des champions, tel Etancelin, y participent, réalisant des moyennes de 135 km/h . En 1932, ce circuit, réputé très rapide, accueille le 26ème "Grand Prix" organisé par l'Automobile-club de France. Le vainqueur fut Novolari, sur Alfa Roméo, face aux Bugatti notamment pilotées par Chiron. Durant les années 1947-1959, le circuit connaît son âge d'or, 150000 spectateurs viennent acclamer les exploits des as du volant, tels que Fangio. Le déclin s'amorce malheureusement dans les années 1960 et en 1972, le circuit est fermé.

1931-1970 : Le Stade de Reims

En 1911, la Société Sportive du Parc Pommery fut créée avec pour but de promouvoir le sport associatif et de permettre des rencontres locales. Les membres devaient être uniquement recrutés parmi le personnel de la Maison Pommery. Le succès de cette association a été considérable surtout après la première guerre mondiale. En 1927, les membres actifs atteignaient le nombre de quatre cent cinquante, répartis dans diverses équipes : football, rugby, hockey, tennis, athlétisme, natation et water-polo. Il n'y eut aucune manifestation rémoise où ne s'illustra un membre de la S.S .P.P. Devant de tels succès et une telle ambition, l'association se devait de s'ouvrir, ce qui fut officiellement réalisé le 30 juin 1931. La glorieuse S.S.P.P. laissait la place à l'ambition nationale du Stade de Reims.

Ce nom est aujourd'hui indissociable du football français et européen, devenu véritablement mythique. Le football avait connu un grand essor local, cependant c'est grâce à l'inauguration, le 2 juin 1935, du stade vélodrome Auguste Delaune, par le président de la République M. Albert Lebrun, que le Stade de Reims passe du côté du professionnalisme. Déjà doté d'actifs supporters, le Stade crée des écoles de football pour la jeunesse rémoise, la génération suivante sera prête. Après la seconde guerre mondiale, une nouvelle "division nationale" est constituée, le Stade de Reims peut dorénavant affronter les plus grandes équipes nationales. En 1948, le Stade de Reims devient champion de France amateur puis l'année suivante il conquiert le titre national en catégorie professionnelle. En 1956, Reims acquiert une renommée internationale en devenant le premier club français à disputer une finale de Coupe d'Europe.

La "grande époque" du Stade de Reims est due à la rencontre du président de club Henri Germain et de l'entraîneur Albert Batteux, et de joueurs d'exception tels que Kopa. Toute cette synergie apporte au club, victoire sur victoire. Un style de jeu est né, le "style rémois", alliant la finesse des passes courtes au grand spectacle. Reims avec 130 000 habitants domine le football français jusque dans les années 60 et cette grande épopée remplit de nostalgie n'importe quel "vieux" supporter de football, qu'il soit ou non rémois.

De l'élan d'hier aux réalisations d'aujourd'hui

Reims a un passé sportif riche en exploits et en émotions : la construction du Parc Pommery, les manifestations aéronautiques, le Collège d'Athlètes, le circuit de Gueux et le Stade de Reims furent de grandes réalisations, dues surtout à la ténacité de grands pionniers du sport moderne. Néanmoins ces quelques lignes ne peuvent retracer de façon totalement exhaustive, un si glorieux héritage. Reims est aussi une ville, où la natation, le cyclisme dont le légendaire Léon Hourlier, la boxe avec Marcel Thil, l'aviron, le tennis et le rugby, ajoutèrent des exploits à la notoriété rémoise. De grands hommes l'ont forgée, des événements tragiques l'ont usé, mais le sport continue à vivre au sein de la vieille cité. Reims s'illustre encore en base-ball, basket, water-polo, ou hockey, au niveau professionnel. De grandes manifestations sportives tels que le marathon de Reims, les 24 heures de natation ponctuent la vie rémoise. Si les grandes villes dominent actuellement le sport spectacle, Reims a conservé cet engouement collectif pour la pratique sportive, cette enthousiasme pour l'effort.


Auteur :  Yann HARLAUT

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