La Sainte Ampoule


Ampoule vient du mot latin Ampulla, qui signifie un vase à col long et étroit. Ces vases étaient en usage chez les Romains, et surtout dans les bains, où ils étaient remplis de l'huile dont on se frottait au sortir de l'eau. Les Chrétiens se sont aussi servis des ampoules : et les vases qui contenaient le Saint-Chrême, le vin des sacrifices et l'huile dont on oignait les catéchumènes et les malades, s'appelaient Ampoules.

La Sainte Ampoule est une fiole de cristal, dont le col paraît transparent et blanchâtre, parce qu'il est vide ; le reste est peu transparent, et d'un rouge-brun. Le diamètre du bas de cette fiole est environ d'un pouce, ou un peu plus, et la hauteur de la fiole, le col compris, est environ de deux pouces. La matière qu'elle contient n'est plus une liqueur, c'est une espèce de cotignac desséché et condensé sur les parois du vase. On en tire, au besoin, quelque parcelle avec une petite aiguille ou spatule d'or, et que cette parcelle communique une couleur rougeâtre au Saint-Chrême, dans lequel on le délaie au Sacre de nos Rois.

Selon une tradition fort ancienne, elle fut apportée du ciel par un Ange, sous la figure d'une Colombe, pour le baptême de Clovis, l'an 496, après la bataille de Tolpiac. Le premier auteur qui fasse mention de ce fait, est Hincmar, Archevêque de Reims, qui vivait près de trois cents ans après Clovis, en 846.

Il nous apprend, dans la vie de Saint Remi, qu'un homme de condition, en danger de mort, fit prier Saint Remi, qui faisait alors la visite de son diocèse, de .venir lui administrer le baptême. Le prélat s'y rendit avec empressement; et les vaisseaux ou l'on mettait l'huile des catéchumènes et le Saint-Chrême s'étant trouvés vides, il se mit en prières, et les vaisseaux se trouvèrent remplis par la bénédiction de Dieu.

Cette opinion est partagée par l'abbé Pluche, principal du collège de Laon, qui a écrit sur ce sujet, le 3 février 1719, une lettre fort sage, que nous avons maintenant sous les yeux. Un des historiens venus depuis Hincmar, raconte dans la vie de Saint Remi , qu'au Sacre de Clovis, le diacre qui portait le Saint-Chrême ne put traverser la foule, et qu'une Colombe parut tout-à-coup et apporta une fiole pleine de Chrême au prélat qui en répandit sur l'eau destinée au baptême, et s'en servit ensuite pour sacrer le Roi. Cependant aucun auteur contemporain ne parle de cette origine miraculeuse. Grégoire de Tours, qui nous a transmis les détails du baptême et du Sacre de Clovis ; Alcime Avite, dans sa lettre où il félicite Clovis sur son baptême ; Fortunat, dans sa vie de Saint Remi ; Frédégaire, autre écrivain du temps ; Saint Remi lui-même, dans les ouvrages qu'il nous a laissés, gardent le silence le plus absolu sur cet important sujet.

Ainsi la saine critique peut le rejeter, sans faire le moindre tort à la religion, qui n'a pas besoin de faux miracles pour appui. D'habiles gens l'ont combattu; d'autres habiles gens l'ont défendu. L'abbé Vertot et les auteurs de l'Eglise gallicane ont fait chacun une dissertation où sont discutées les raisons pour et contre ce fait. Jacques Clîifllet, savant écrivain, mort en 1640, a entrepris de prouver que Hincmar avait inventé la Sainte-Ampoule, pour faire valoir les droits de son église. Au reste , de temps immémorial , on a cru avoir à Reims une huile miraculeuse ; et cette relique, respectable par son antiquité bien attestée, puisque pendant plus de douze siècles elle a servi au Sacre de nos Rois, était pour nos pères l'objet de la plus profonde vénération.

Dans les temps de désordre et d'anarchie, cette fiole fut enlevée du tombeau de Saint Remi, où elle était placée dans un reliquaire d'or massif, entouré de pierres précieuses, et renfermé dans un sac de velours violet , et fut brisée à coups de marteau, le 7 octobre 1793, sur la place Royale et sur les degrés du piédestal de la statue de Louis XV, par un nommé Rhull, du Bas-Rhin, représentant du peuple.

Félix Lacointa, 1825.

Sources :
Félix Lacointa, Du sacre des rois de France, de son origine et de la sainte-ampoule: suivi du détail des cérémonies usitées au couronnement de nos rois dans l'Église métropolitaine de Reims, Publié par chez C. Ballard, 1825, Copie de l'exemplaire Université de Harvard, Numérisé le 22 juin 2005 dans le cadre du programme Google Book, 195 p.

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