Benoît XV et la neutralité pontificale durant la Première Guerre mondiale

Figure 10  : Un Pape qui n'a pas l'air très "catholique" , Charles Léandre, dessin satyrique, MHV, B1b .

Le 20 août 1914, Pie X est décédé après plusieurs mois de maladie. Il paraît évident que l'élection du Saint-Père, au tout début du conflit, revêt une importance politique et diplomatique majeure, même si, comme le souligne Jean-Marie Mayeur , « on a le sentiment que dans les débuts du conclave les considérations relatives aux orientations de l'Eglise au lendemain du pontificat de Pie X comptèrent plus que les réflexions entraînées par le début de la guerre » 1.

Dans l'ouvrage d'Albert Chatelle, un chapitre intitulé « Les notes secrètes du cardinal Luçon sur le conclave de 1914 » montre l'importance de cette élection pour le gouvernement français. Le président du Conseil, René Viviani , et le ministre des Affaires étrangères, Gaston Doumergue (1863-1937), insistent auprès du cardinal Luçon pour que les cardinaux français usent de toute leur influence afin de faire nommer un pape « favorable à la France et surtout qu'il ne fût pas le candidat de l'Allemagne, ni de l'Autriche… »

C'est monseigneur Della Chiesa, considéré comme un habile diplomate, qui accède au trône pontifical et devient le nouveau pape Benoît XV . Quelques semaines après son élection, il désigne comme secrétaire d'Etat, le cardinal Pietro Gasparri (1852-1934), considéré comme un ami de la France puisqu'il a été professeur de droit canonique à l'Institut catholique de Paris de 1880 à 1897.

Le Saint-Siège adopte une attitude modérée : c'est l'impartialité pontificale. Cette doctrine est précisée par le pape le 22 janvier 1915 : le pape romain ne doit être d'aucun parti, il doit embrasser dans sa charité tous ceux qui combattent. Il rappelle aussi qu'il a « des fils nombreux dans les deux camps » 2. Il se soustrait aux sollicitations des catholiques de chaque camp qui souhaitent faire condamner les actes illégitimes de l'adversaire. Jean-Jacques Becker souligne à ce propos : « Mais dans un conflit de ce type, toute autorité qui essaie de tenir la balance égale est déjà suspecte aux deux camps. » 3

A chaque parution de lettres pontificales, la presse française se déchaîne et conspue ce pape décidément trop timoré. Une caricature de Charles Léandre (1862-1934) représente le pape, nonchalant, se désintéressant du massacre des civils et du sort de la cathédrale de Reims 4.

Pendant tout le conflit, la politique de Benoît XV est dominée par le souci d'impartialité et par la volonté de contribuer au rétablissement de la paix 5. En décembre 1914, le pape intervient ainsi auprès des belligérants en faveur d'une trêve de Noël, mais cette initiative est rejetée. De plus, la papauté n'a pas réussi à éviter l'entrée de l'Italie dans la guerre. Le 9 août 1917, après maintes tractations avec l'Allemagne, le Saint-Siège adresse une « exhortation à la paix aux chefs des peuples belligérants ». Elle est rendue publique le 16 août. L'opinion publique française réagit vivement et s'indigne de ces propositions jugées favorables aux Empires Centraux. Le secrétaire d'Etat Pietro Gasparri est contraint de préciser les dispositions mais rien n'y fait. Discrédités, les pays vainqueurs récusent la présence officielle du Saint-Siège lors de l'établissement du traité de Versailles.

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