Né à Péronne en 1870, Max Sainsaulieu est d'abord placé comme dessinateur chez un architecte d'Amiens avant d'intégrer, en 1891, l'Ecole des Beaux-Arts de Paris et plus particulièrement l'atelier de Constant Moyaux (1837-1889). Il suit également les cours de Paul Boeswillwald (1844-1931). En 1898, il obtient son diplôme d'architecte suite à un brillant sujet d'étude sur la restauration de l'abbaye de Fontenelle à Saint-Wandrille-Rançon (76). Il vient à Reims collaborer à l'achèvement de l'église Sainte-Clotilde et épouse la fille de l'architecte rémois Alphonse Gosset (1835-1914). Il s'installe ensuite à Soissons et en 1903 est nommé architecte ordinaire des monuments historiques de cet arrondissement. Il revient à Reims vers 1909 pour reprendre peu à peu les activités d'Alphonse Gosset . Il réalise plusieurs maisons, hôtels particuliers et églises. Lors de la déclaration de guerre, Max Sainsaulieu , alors père de six enfants, est soutien de famille. Il est néanmoins mobilisé quelques temps pour la réquisition des chevaux. Juste avant l'occupation allemande de Reims, il quitte la ville et y revient après la victoire de la Marne. Il est donc présent à Reims lors de sa nomination comme architecte ordinaire attaché à la cathédrale.

Ses compétences en dessins et donc en relevés d'architecture sont particulièrement appréciées alors par le service des monuments historiques. De plus, il dispose du matériel suffisant pour réaliser des clichés photographiques nécessaires à l'inventaire mais également à la communication. Il est fort probable qu'il ait bénéficié du soutien effectif de son ancien professeur et membre influent de la commission, Paul Boeswillwald.

La première mission du nouvel architecte ordinaire est de protéger le portail de gauche de la façade occidentale de la cathédrale. Au jour le jour, il doit rendre compte à l'administration des Beaux-Arts, des effets du bombardement de la cathédrale et des autres monuments classés de la ville de Reims et prendre, en urgence, toutes les mesures utiles concernant ces édifices.

Les missions de Max Sainsaulieu pour le compte du service des monuments historiques ne se limitent pas, durant la guerre, à la seule ville de Reims. En mai 1915, il accompagne Paul Léon lors d'une tournée d'inspection dans la Marne, la Meuse et la Meurthe-et-Moselle. Après l'évacuation de la ville de Reims, il est chargé, à partir du 1er juillet 1918, de la surveillance de l'évacuation des objets d'art de la région parisienne.

Le 12 janvier 1918, Paul Léon propose, au ministre de l'Instruction Publique et des Beaux-Arts, d'élever Max Sainsaulieu au rang de chevalier de la Légion d'honneur. Il souligne ainsi « la haute conscience professionnelle et le mépris absolu du danger dont ce fonctionnaire fait preuve ». En effet, Reims est continuellement bombardée et il existe, pour le personnel sur place, des risques non négligeables. Il fait ainsi référence au fait que lors de travaux d'évacuation d'ouvrages précieux, le 1er juin 1917, Max Sainsaulieu est blessé par l'explosion et le menuisier qui l'accompagne est tué.


Nous conservons des activités de Max Sainsaulieu à Reims durant la Première Guerre mondiale 40 rapports envoyés à sa hiérarchie. Ces rapports sont conservés à la Médiathèque de l'Architecture et du Patrimoine et s'échelonnent du 28 janvier 1915 au 1er juin 1918.

Ces rapports sont précieux pour suivre les destructions de la cathédrale de Reims durant la Première Guerre mondiale.

28/01/1915, Max Sainsaulieu

… Portails : le sol est encore jonché de débris […] Certains fragments provenant de la chute des parties supérieures sont tombés au-dessus des voussures des portails, derrière les gables […] Parmi les parties voisines de l'angle N.O. du monument, qui ont le plus souffert, plusieurs colonnettes des têtes de contreforts ont été délitées verticalement et présentent un danger d'autant plus grand que leur solidité dépend la chute des pinacles qu'elles portent. Pour plusieurs, dont une assez inquiétante située à la première travée de la face nord, je ne vois pas de remède immédiat […] Pour une colonnette de la tête de contrefort située entre les voussures du portail de gauche et du grand portail, le danger est plus imminent encore et d'autant plus à redouter, que la chute de ce qui reste du pinacle viendrait écraser complètement le gable de la crucifixion déjà bien mutilé mais encore fort beau et ayant gardé sa forme générale. […] Au-dessus de la grande rose de la façade à la galerie dite : « Galerie du Gloria », une partie de la balustrade est tombée ; la seconde moitié brisée et déplacée menace de faire de même […] Sur les voûtes, découvertes, voûtes des bas-côtés comme voûtes hautes de la Grande Nef , il n'y a pas d'eau apparente comme on me l'avait signalé mais les reins sont remplis jusqu'à moitié de gravois de cendres et détritus anciens […] A la voûte haute de la nef, à la huitième travée à partir du portail, la voûte entière, d'un sommier à l'autre se décolle du mur gouttereau nord. A la travée voisine, tout près du doubleau, je signale la présence sur la voûte d'un obus non éclaté. C'est un obus en acier de 150 mm de diamètre et environ 0,65 de long. Sa fusée est entassée dans le terreau et invisible dans sa position actuelle. Au dire d'un officier d'artillerie que j'ai pu consulter, cet obus doit peser environ quarante kilos et contenir quatre kilos de mélinite. On n'a pas d'autre procédé ordinaire de se débarrasser de tels objets que de les faire éclater sur place. Ce moyen paraît inapplicable ici sous peine de dégâts énormes. Il serait intéressant d'en découvrir un meilleur si il existe. Vitraux – un certain nombre de vitraux du chœur et de la nef sont encore saufs – et parmi eux plusieurs des belles verrières. […] Pour ce qui concerne la grande rose, la moitié environ des vitraux est encore en place (tout un côté). De ce qui est tombé, la plus grande partie a été piétiné ou enlevé par les visiteurs. Le Beffroi de la Tour Nord , a été incendié et les cloches sont tombés sur la plate-forme du premier étage ou en partie fondues. Sur les huit, il en reste deux qui paraissent intactes, une de 1.50 de diamètre et une de 0.90 de diamètre. Une autre de 1.50 aussi paraît n'avoir qu'un éclat et une fente (peut-être réparable) […] Dans la tour sud, le beffroi et les bourdons sont actuellement intacts. Les tapisseries de la cathédrale avaient été retirées avant l'occupation allemande ; mais celles qui étaient restées dans le musée installé dans l'ancien Palais archiépiscopal ont été brûlées avec lui. Le trésor de la cathédrale a été sauvé. […] L'agence des travaux et les petits bâtiments en appentis qui servaient de remises et d'abri au chantier sont en cendres. […]

24/02/1915, Max Sainsaulieu

Un obus est tombé sur l'angle d'un des contreforts de la Tour nord (angle Nord-Est), cependant la masse n'a pas été affectée sérieusement. Dans la nuit du 21 au 22, l'édifice a été touché plusieurs fois. Le matin du 22, vers 9 heures un ou des obus tombent sur la voûte. L'architecte Deneux est légèrement touché par des éclats de pierre. Les dégâts de ces jours est relevé : sur la tour Nord, le couronnement a été à nouveau touché, la tourelle ajourée de la Tour nord a reçu deux projectiles et des éclats. A quelques mètres de la tour Nord, la galerie haute (galerie Ruprich Robert) a été touchée et un meneau est sauté à la troisième travée côté Nord.

27/05/1915, Max Sainsaulieu

J'ai le regret de vous faire part d'un nouvel accident qui vient d'arriver hier au portail de gauche déjà si éprouvé de la Cathédrale de Reims. La tête de la grande statue de l'ébrasement de droite, la plus proche de la porte qui figure un petit moine d'une merveilleuse élégance, est tombée dans la journée sans cause apparente […] Cet accident est évidemment une suite de l'incendie […] C'est peut être l'ébranlement des tirs d'artillerie qui a fini par en déterminer la chute. Nous avions eu précisément la nuit précédente une très violente canonnade de nos pièces qui ne sont distantes que de un kilomètre environ.

01/06/1915, Max Sainsaulieu

J'ai l'honneur de vous informer qu'au cours d'une séance de bombardement que nous avons subi ce matin sur le centre de la Ville , la cathédrale a été touchée de nouveau deux fois. Le premier obus est arrivé encore sur la Tour Nord , sur la tourelle qui contient l'escalier à jour, à hauteur de la seconde révolution de la partie à jour. C'est heureusement encore la grosse pile qui a reçu le choc direct en y faisant une brèche appréciable ; les petits meneaux et les marches n'ont été que mitraillés. La solidité du gros œuvre n'est pas compromise […] Le second obus est arrivé sur la face sud de la tour est du transept sud dans l'angle rentrant formé par le contrefort à hauteur des arcatures aveugles qui sont sous la grande baie ajourée. Le projectile est arrivé de biais, (venant de Nogent l'Abbesse) sur le côté est du contrefort, décapitant de ses éclats et mutilant le marmouset qui forme retombée de la petite archivolte et balafrant les trois arcades d'éclats de mitraille […] Ni l'une ni l'autre de ces blessures ne demandent de mesure de précaution immédiate.

17/06/1915, Max Sainsaulieu

J'ai l'honneur de vous informer que la Cathédrale de Reims a été bombardée de nouveau pendant la nuit de Lundi à Mardi [la nuit du 14 au 15 juin]. Les dégâts que j'ai pu constater sont les suivants : – Tour Nord. Un obus de gros calibre a atteint la tour dans des conditions à peu près identiques à celles de l'obus du 1er Juin - c'est à dire dans la pile de la tourelle de l'escalier. Les meneaux de l'escalier ne sont pas atteints mais la pile principale est touchée plus fortement que la fois précédente - autant que je puis m'en rendre compte d'en bas la solidité du gros œuvre n'est cependant pas compromise […] – Façade sud. Un pinacle qui n'avait pas encore été touché est décapité - c'est celui qui est entre les 4e et 5e travées de la nef - le voisinage et notamment la galerie haute portent des traces d'éclats. – Façade sud. Un troisième obus est arrivé dans la galerie haute tout contre la tour sud faisant sauter deux colonnettes et mitraillant tout le voisinage. La partie haute formant arcatures et pinacles tient en place à la manière d'un linteau. Je fais poser une chandelle dessous pour éviter la chute de ce couronnement qui aggraverait beaucoup le dégât.

20/07/1915, Max Sainsaulieu

J'ai l'honneur de vous informer que durant un violent bombardement que nous avons subi ce matin deux obus (au moins) ont encore touché la Cathédrale. Le premier est arrivé dans la galerie haute de la chapelle absidiale qui est dans l'axe de l'édifice – faisant sauter deux moutants et mitraillant les environs et crevant la toiture derrière. Le second est arrivé en plein sur un contrefort d'une autre chapelle absidiale (côté sud). Toute la partie haute du dit contrefort est disloquée. La pile qu'il complète l'est aussi, mais moins, les pierres ont bougé mais sont restées empilées sur leurs lits – le morceau central de la fenêtre est parti – le réseau du haut tient encore en place – Je le fais étayer – La pile continue de porter sans étaiement. La voûte ne paraît pas avoir bougé.

19/10/1915, Max Sainsaulieu

… la Cathédrale a été de nouveau touchée dans la partie sculptée du grand contrefort qui est à gauche des portails de la grande façade. L'obus est arrivé sur le côté de ce contrefort et en plein sur la masse de pierre qui est impénétrable – le dégât est minime.

02/04/1916, Max Sainsaulieu

La Cathédrale a de nouveau été touchée trois fois : Deux obus sont arrivés de plein fouet l'un sur le contrefort de la sixième travée du côté sud, l'autre sur le contrefort de la 1ère travée du côté sud. Ce dernier a fait sauter une partie du meneau de la fenêtre voisine et est venu mitrailler la cloison de protection de charpente et terre que nous avons élevé devant le grand retable renaissance – Le Christ au dessus en bois de caractère byzantin (moderne je crois) a reçu aussi quelques éclats de mitraille – sept ou huit. Enfin, la chapelle absidiale qui est dans l'axe du chevet a été atteinte aussi, à hauteur de sa corniche, dont plusieurs parties sont endommagées. Là ce sont des éclats d'un obus qui a éclaté sur une maison voisine.

04/04/1916, Max Sainsaulieu

Un nouvel accident relativement peu grave s'est produit la nuit dernière à la grande façade occidentale – au contrefort qui sépare le porche central du porche de la tour nord les dais formant ligne de décoration au dessus des grandes statues se sont détachés et sont tombés en morceaux. Ils ont rebondi sur les sacs de protection ; sans quoi, ce qui reste de la statue de la reine de Saba eut été achevé […] De temps en temps de petits fragments tombent aussi des parties hautes de la grande façade…

31/10/1916, Max Sainsaulieu

… des effets des bombardements de Reims de la semaine dernière et particulièrement du Vendredi 27 […] La Cathédrale a été atteinte directement, par un projectile de gros calibre et mitraillée par deux autres : C'est sur la face Est du Transept Sud que la premier a fait explosion, sur l'archivolte de la grande baie vide qui règne avec les verrières hautes. La pierre est broyée sur une surface de deux mètres carrés et les alentours sont plus ou moins éclaboussés par les éclats jusqu'une grande distance. Cependant la masse de la maçonnerie ne paraît pas être disloquée et il ne m'a pas paru nécessaire d'étayer. Nous n'avons rien pu retrouver du projectile lui même qui a du être réduit en miettes. Outre cet obus, un autre, probablement de tir fusant, et dont nous n'avons pu découvrir le point d'éclatement a mitraillé l'extérieur de l'abside dans la région des fenêtres hautes et principalement dans la première travée Nord, voisine de la fenêtre centrale : la pierre porte de nombreuses traces d'éclats fraîches, même sur la façade extérieure des grands contreforts ce qui indique bien que l'éclatement a eu lieu avant l'arrivée su projectile sur le corps de l'édifice. Dans les verrières voisines, il y a évidemment des trous nouveaux, mais qui se confondent avec les anciens. Un troisième obus éclate au pied de la tour Sud, sur le sol, entre les grands contreforts. Il a fortement mitraillé les pieds des dits contreforts et surtout les débris provenant des restaurations anciennes qu'ils abritent.

17/04/1917, Max Sainsaulieu

… A la fin de l'après midi d'hier lundi 16 avril 1917, la Cathédrale de Reims a été l'objet d'un bombardement violent et spécialement dirigé sur l'édifice. Le bombardement a duré une heure environ et après quelques coups longs qui sont allés tomber dans la rue Libergier puis sur la place du Parvis, la Cathédrale a été atteinte directement par au moins treize obus de fort calibre […] Dans une première visite sommaire faite ce matin, j'ai relevé les dégâts suivants : – Façade sud, à hauteur du couronnement du contrefort du bas-côté de la travée, éclatement d'un projectile sur la tête de ce contrefort qui a fait entre autres dégâts sauter la gargouille. – Transept sud, éclatement d'un projectile sur l'angle extérieur de la Tour Ouest […] – Transept sud, éclatement d'un projectile sur le pinacle de couronnement du contrefort est de la Tour Est. Le pinacle et le contrefort sont renversés et la statue de roi qui est dessous paraît avoir peu souffert. – Transept sud. Eclatement d'un projectile sur l'appui de la grande baie ouverte face à l'Est. – Abside. Deux ou trois projectiles ont disloqué l'arc-boutant de la 3e travée après l'axe ; fait sauter celui de la 1ère travée côté sud […] fait sauter une partie de la galerie haute des chapelles absidiales à la 2e chapelle côté sud et une autre à la 1ère chapelle à côté de l'axe […] – Un projectile tombé plus bas a fait sauter le meneau (et naturellement la verrière) de la chapelle absidiale d'axe. – Dans les parties hautes – Un projectile est venu éclater à la rencontre sud-ouest des grands arcs de pierre destinés à porter la flèche centrale. – Un projectile sur le haut du mur du transept nord a mitraillé le pignon à l'envers et fait tomber plusieurs crochets. – Un autre […] a renversé une partie de la galerie haute (dite Viollet-le-Duc) dont les morceaux ont crevé au-dessous les toits des chapelles […] – Un projectile est venu faire sauter complètement la volée haute de l'arc-boutant de la 3ème travée de la nef côté nord. – Un projectile ou deux sont venus frapper la Tour Nord à hauteur de la galerie des rois juste au-dessus de l'arrivée de la galerie haute. – Un projectile a fait sauter la moitié haute de l'escalier de pierre de la tour sud. Au transept sud la voûte déjà trouée précédemment a été fortement ébranlée par les explosions voisines, les nervures sont tombées et l'ouverture du remplissage est considérablement agrandie. […] Nos belles verrières du XIIIe siècle. – Celle du transept sud d'abord a perdu un grand quart de sa surface et notamment tout le personnage du haut à gauche. – Dans le chœur, la verrière de l'axe est beaucoup plus mitraillée qu'avant. Les deux voisines du côté sud sont complètement vidées ou à peu près. – Dans la nef, du côté Nord, presque tout ce qui restait des 3e, 4e, 5e et 6e verrières déjà endommagées a sauté. – Enfin la rose du transept sud (XVIe siècle) était complètement vidée. Les grisailles du transept sont toutes aussi fortement atteintes.

20/04/1917, Max Sainsaulieu

… dans la journée d'hier, jeudi [19 avril], la Cathédrale de Reims a été l'objet, de nouveau et à trois reprises différents de bombardements par les batteries allemandes. La première séance a commencé à 11h1/4 et a été composé de cinq obus de fort calibre uniquement dirigés sur la Cathédrale. […] le premier obus a sifflé venant probablement de Fresne il est arrivé de plein fouet directement sur les voûtes de la nef, qu'il a transpercée. Un autre est tombé également sur l'édifice […] Une seconde série de treize obus environ a été envoyée à partir de midi et demie présentant encore le caractère d'un bombardement systématique du monument […] Enfin une troisième séance beaucoup plus importante a eu lieu entre 15 et 17 heures. Le tir de cette dernière paraît avoir été moins spécialement réservé à la Cathédrale. Les principaux dégâts nouveaux que j'ai pu relever sur la Cathédrale pour cette journée sont les suivants : - un obus a fait sauter le pinacle du couronnement du Contrefort S.E. de la grande Tour Sud. – Un autre a enlevé les trois meneaux de la grande baie ouverte face Est de cette même tour. – les arcs-boutants de la 3e et de la 5e travée ont été l'un et l'autre fortement écornés, à peu près de la même manière, au droit de leur retombée derrière le pinacle du contrefort. – le pinacle du contrefort de la 3e travée sud est enlevé. – une partie de la galerie haute de Ruprich Robert (côté évêché) a été enlevée sur six à sept mètres de longueur. – la voûte de la cinquième travée de la grande nef qui a reçu le premier obus est presque entièrement passée dans œuvre. – au transept sud, le contrefort situé à droite de la rose a été atteint en plein par un ou deux projectiles. L'Escalier est à jour sur 2 mètres de hauteur. La statue de roi du pinacle a été brisée et renversée sur les sacristies avec une partie des pierres voisines et la très précieuse Statue de la Religion Chrétienne placée à la retombée de l'arc de la zone côté gauche a été mutilée par les éclats de pierre ou de mitraille. – Un obus sur le sommet de la Tour Est du Transept Sud. – Un obus que j'ai vu arriver et dont je n'ai pas entendu l'explosion a percé le mur goutterot dans sa partie haute et a dû ricocher plus loin Je ne l'ai pas encore retrouvé. – Un obus a fait sauter une partie de galerie haute de la nef (galerie Millet) du côté Nord. – Un autre a fait sauter le pinacle de couronnement du Contrefort de la Nef près de la Tour Nord et fracasser la statue de roi voisine sur la Tour même. Enfin deux obus sont tombés, l'un sur le sol de la Salle des Rois, crevant la voûte de la Salle basse – et l'autre dans le bâtiment des sacristies. En outre, six autres projectiles ont creusé des entonnoirs énormes dans les Cours de l'archevêché, devant le Lion d'or sur la place du Parvis, dans le terrain du Palais de Justice et dans la rue Robert de Coucy. Les fragments retrouvés proviennent d'obus de 240 et 305 millimètres de diamètre.

25/04/1917, Max Sainsaulieu

Vendredi [20 avril] vers 6 heures du soir un entonnoir important a été creusé dans le sol de la rue du Cloître, au pied de l'abside […] Samedi et Dimanche le quartier a encore été arrosé à diverses reprises et la Cathédrale touchée de nouveau notamment à la tour sud. Mardi [24 avril 1917] un tir continu et systématique qui a duré de 9h à 10h1/4 a de nouveau été effectué par les Allemands sur la Cathédrale. Les dégâts nouveaux sont graves et nombreux. Il me serait impossible, à cause de leur importance même de déterminer pour chacune le point de chute du projectile qui l'a causé, ni même le nombre exact d'obus arrivés sur l'édifice pendant ces trois jours. Ce que je puis affirmer c'est qu'il s'agit encore ici de tirs de destruction voulue puisqu'il a été employé contre l'édifice des obus de très gros calibres […] Les dégâts nouveaux attribuables à ces trois journées de Samedi Dimanche et Mardi mais surtout à la dernière sont les suivants : le principal dégât au point de vue du gros œuvre est dans la région de l'angle Sud-Est de la Croisée du Transept. Plusieurs gros obus sont arrivés entre la Tour Est du Transept Sud et la dernière travée du chœur. La grosse pile d'angle a reçu directement un choc formidable qui a fait sauter une partie de sa masse et complètement disloqué tout le reste à hauteur des naissances des voûtes hautes ; les deux fenêtres voisines du transept et du chœur sont vidées toutes les nervures des arcs qui retombaient sur cette pile ont sauté ; l'arc-boutant du chœur l'est également, et toute cette région est en somme dans une situation critique. Une partie des remplissages des voûtes de voûtes est déjà tombée. Les décombres qui jonchent le sol à l'intérieur représentent de 50 à 100 mètres cubes . Le maître autel y est complètement enfoui. Extérieurement, dans cette même région, l'arc boutant voisin déjà atteint précédemment a en plus perdu le pinacle de son contrefort – l'ange est décapité – Toute la galerie haute des chapelles qui restait encore est tombée […] La travée de voûte du transept déjà percée depuis longtemps et qui venait de perdre ses nervures a son formeret enlevé au-dessus du vitrail ancien qui lui est à peu près complètement perdu – Tous les vitraux du chœur du côté sud le sont aussi – Bien d'autres dégâts partiels sont à signaler : La voûte haute de l'abside est crevée dans un de ses remplissages dans une travée rayonnante côté S.E. – La première chapelle absidiale (à côté de l'axe) du côté S.E. a sa voûte crevée. – Un obus est encore tombé dans les sacristies, exactement à la même place que le précédent et a démonté tous les murs. – Les grands moulages de rois qui restaient dans le chantier sont brisés et renversés. – Sur le bas côté Sud, la voûte de la 10e travée (travée du transept) est toute entière passée dans œuvre, probablement par la chute des parties hautes et par la chute de la galerie haute de la 10e travée de la nef. La voûte de la 9e travée est disloquée. Celle de la 7e travée est traversée dans un de ses remplissages, par un projectile, évidemment de gros calibre qui ne paraît pas avoir éclaté car il est allé s'enfoncer dans le carrelage de la 6e travée et est disparu sous terre sans faire d'entonnoir. A la 5e travée de la Nef , la voûte haute était déjà traversée (voir mon rapport précédent). – Toutes ce qui restent des nervures sont tombés, les doubleaux existent encore- La volée inférieure de l'arc-boutant est tombée – La fenêtre de la 6e travée est complètement vidée de son réseau de pierre ; aux deux fenêtres voisines les réseaux et meneaux sont fortement touchés – Du côté Nord, l'arc-boutant déjà sauté a en plus son pinacle avec la statue d'angles complètement écrasé au niveau du socle de l'ange (Il est remarquable que ce soit précisément la voûte de la 5e travée qui est privée de ses nervures qui a perdu aussi 2 de ses contreforts au Nord et au Sud) – La voûte de la 5e travée du bas côté nord est également traversée. Tels sont les principaux dégâts que j'ai pu constater du bas. Il y en a certainement d'autres à noter dans les parties hautes…

29/04/1917, Max Sainsaulieu

[…] Depuis Mardi [le 24 avril] pas de nouveaux projectiles sur l'édifice. Nous avons eu un 305 non éclaté dans le sol du bas côté sud. – Les pompiers de Reims se sont intéressés à la chose et l'ont déterré et ont enlevé la fusée […] Ce sera un souvenir pour la cathédrale – J'ai aussi des culots de 380 – cela représente des projectiles de 500 kilogs […]

01/05/1917, Max Sainsaulieu

La Cathédrale n'a plus reçu de bombardement depuis mardi 24 avril – Mais la ville est encore copieusement arrosée.

03/05/1917, Max Sainsaulieu

La Cathédrale n'a pas été touchée de nouveau.

16/06/1917, Max Sainsaulieu

… hier matin un obus allemand est encore venu frapper la Cathédrale. L 'obus arrivé dans l'axe même de l'édifice a pénétré par la fenêtre de la chapelle absidiale et a fait explosion, à l'intérieur sur le piédroit sud de la dite fenêtre à mi hauteur. Comme le contrefort extérieur de ce piédroit avait été déjà frappé de même le 19 avril dernier, tout cet ensemble de trumeau entre la fenêtre d'axe et la 1ère fenêtre sud se trouve complètement disloqué. Je crois qu'un étaiement serait prudent car cette maçonnerie complètement ébranlée serait enlevée par un troisième choc analogue. Cet étaiement est d'ailleurs facile à exécuter, puisque nous sommes ici dans les parties basses, - à condition de trouver du bois – et deux charpentiers j'aurai au besoin recours à l'autorité militaire.

02/07/1917, Max Sainsaulieu

… Le jeudi 28 une vingtaine d'obus sont tombés dans les environs immédiats, et trois le vendredi 29. Pendant ces deux séances huit projectiles du calibre de 130 mm ont touché l'édifice et causé les nouveaux dégâts suivants : – A la Tour Nord , au niveau de la galerie des Rois, la partie de contrefort qui forme soubassement de la tourelle S.E. a été complètement disloqué par un éclatement de projectile. Les 2 statues de rois qui ornaient les faces de ce contrefort sont complètement enlevées et les assises même du contrefort ont glissé les unes sur les autres vers l'intérieur de l'escalier que contient cette tourelle (escalier qui forme partie basse de l'escalier à jour). – A la même tour, un peu plus bas et à l'angle N.E. de la tour un projectile est arrivé dans les pyramides du couronnement à un endroit déjà touché précédemment. La poussière de ce coup a blanchi toute la région avoisinante. – Au contrefort de la 2ème travée (contrefort voisin de la tour) de la Nef côté N, la pyramide de couronnement déjà en partie démolie est complètement enlevée par un nouvel obus. – Au contrefort de la 4e travée, la pyramide de couronnement déjà en partie démolie a été touchée à nouveau […] – Un projectile est arrivé dans l'appui de la fenêtre du bas-côté Nord – 4e travée de la nef – Les œuvres de l'appui sont en partie disloquée et le choc a brisé en un endroit à un mètre au-dessus la colonne intérieure du meneau de la fenêtre. – Un autre projectile a touché l'édifice dans les parties hautes voisines de la Tour Sud à un endroit que je ne puis déterminer parmi les blessures anciennes ; l'éclatement de ce projectile est marqué par des débris nouveaux tombés sur le sol du chantier – Enfin deux autres projectiles du calibre de 130 mm sont venus se briser sans éclater, l'un au pied de la tour nord à l'angle N.E. et l'autre sur la plate-forme de ciment armé qui est au-dessus des voûtes de la nef : 1ère travée, entre les 2 tours. A chacun de ces 2 obus, toute l'ogive a disparu avec la frise qui a peut être éclaté. Mais le corps de l'obus entier reste intact avec sa charge d'explosif à l'intérieur.

26/07/1917, abbé Landrieux

… pendant cette nuit du 25 au 26, vers 3 heures du matin, sous le choc d'un éclat ou d'une chute de pierre, le bourdon a vibré : note lugubre qu'on n'avait pas entendue depuis trois ans, impressionnante comme un gémissement, dans le silence de la nuit.

27/07/1917, Max Sainsaulieu

… des effets du bombardement de la journée d'hier 26 juillet. Dans l'après-midi au cours d'un bombardement dirigé sur le quartier du centre, la Cathédrale a été atteinte de nouveau deux fois directement. Un obus est arrivé au Transept sud dans le contrefort qui contient l'escalier Est, un peu au dessous de la corniche du bas-côté. Cet obus est arrivé presque exactement au même emplacement qu'un autre qui avait déjà mis l'escalier à jour en avril dernier. Il a aggravé les dégâts en continuant de disloquer les maçonneries voisines – toute une suite de crochets sculptés de la corniche a sauté. Un autre obus est arrivé dans la pyramide de couronnement du contrefort N.E. de la Tour Nord qu'il a traversée de part en part pour aller ensuite frapper le contrefort voisin de la même tour. Ces 2 obus sont du calibre 130 mm . Les dégâts sont relativement peu importants…

31/07/1917, Max Sainsaulieu

Dans l'après-midi d'hier 30 Juillet, les Allemands ont exécuté en deux reprises des tirs sur les abords immédiats de la Cathédrale. L 'édifice a été entouré d'une vingtaine de projectiles qui ont éclaté à moins de 50 mètres de lui principalement du côté nord. Il a été touché directement par deux obus au moins dont les dégâts sont peu importants : l'un deux est entré dans la tour nord par une ouverture et est allé éclater, à l'intérieur, contre le piédroit sud de la baie de la face ouest, à hauteur de l'ancien beffroi incendié, les 2 abat sous voisins ont été fortement mitraillés et en partie détruits. Le projectile étant de petit calibre (probablement du 130 mm de diam) l'effet produit sur la pile n'est que superficiel. Le second projectile, probablement de moindre calibre est venu frapper le second contrefort de chapelle absidiale après le transept du côté nord, à hauteur de la corniche du bas côté dont il a fait sauter une partie. Le choc a brisé la tête de la gargouille qui se trouve à cette hauteur. – Enfin en faisant une tournée, il m'a semblé que la voûte haute de la grande tour sud était démolie sur une plus grande surface que précédemment (Les Bourdons sont toujours intacts). Je ne puis préciser si c'est un nouvel obus qui est arrivé là haut hier ou récemment. Il est remarquable que ce tir d'hier (j'ai pu le suivre avec attention) a été composé de deux séries de coups séparées par un intervalle de temps de plus d'une heure et que chacune des deux séries a été terminée par un des deux coups sur la cathédrale, précisés ci dessus. Chaque série étant comme un tir de repérage terminée par un coup « au but ». Sont-ce là des tirs de préparation en vue d'un nouveau bombardement violent ? Ce qui paraît certain c'est que ce ne sont pas là deux coups de hasard et que ces tirs avaient un but défini sur la cathédrale ou ses abords immédiats.

14/08/1917, Max Sainsaulieu

… qu'au cours du bombardement violent effectué sur le quartier du centre hier après-midi, la Cathédrale a encore été touchée deux fois par des obus allemands. Le premier obus a traversé la voûte de la 3e travée de le nef dans un de ses remplissages, ne faisant d'autres dégâts que le trou par lequel il est passé. – Le second est venu s'écraser au pied d'un contrefort de l'abside : le contrefort qui sépare la 2e chapelle de la troisième du côté nord. La maçonnerie est pulvérisée du côté où l'explosion a eu lieu mais la masse n'est pas disloquée.

08/09/1917, Max Sainsaulieu

J'ai l'honneur de vous rendre compte que deux obus de petits calibres ont touché la cathédrale dans le cours de cette dernière semaine, l'un d'eux a écorné la corniche haute de la tour Est du transept nord à son angle vers l'abside. – l'autre est arrivé sur les voûtes hautes. – Les dégâts sont fort peu importants et ne nécessitent aucune réparation actuelle.

14/04/1918, Max Sainsaulieu

[…] je n'ai pu examiner la Cathédrale à loisir mais j'ai pu l'examiner sommairement tout le tour à l'extérieur et plus tranquillement à l'intérieur : il est possible, et même probable que quelques obus ont pu atteindre l'Edifice durant cette semaine où chaque jour il a du en tomber des milliers autour mais, je n'ai observé aucun dégât grave nouveau. Il me paraît remarquable que les pointeurs ennemis ont certainement cherché à l'éviter.

01/06/1918, Max Sainsaulieu

Dans ces deux dernières semaines, au milieu de l'arrosage général de la Ville et du quartier avoisinant, l'Edifice a été touché lui-même quatre ou cinq fois directement par des obus allemands. Le dégât nouveau le plus marquant est dans la seconde chapelle absidiale du côté sud. Un ou deux obus y ont pénétré brisant l'appui et le meneau d'une fenêtre du côté S.E. et venant éclater à l'intérieur contre le mur séparant cette chapelle de la suivante à hauteur des arcatures décoratives faisant soubassement sous le petit chemin de ronde intérieur. L'autel et le grand baldaquin XVIIe qui était au-dessus sont démolis et tout l'intérieur de la chapelle est mitraillé. Trois autres nouveaux obus ont laissé des traces visibles à l'intérieur de l'édifice : deux ont crevé en deux endroits différents les remplissages de voûte de la 3e travée de la Nef en y faisant des trous peu importants, et un autre a atteint de nouveau la partie de remplissage subsistant encore de la 5e travée de la nef déjà fort éprouvée. Ces obus sont de calibre relativement petit et il ne paraît pas qu'ils aient eu pour but des destructions nouvelles dans la cathédrale ; des culots de deux d'entre eux gisent encore sur le sol de la nef. Ils sont du calibre de 150 millimètres.

 


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