François Decorchemont

QUATRE VITRAUX DE FRANCOIS DECORCHEMONT ORNENT L'EGLISE DU BOURG D'ALBEPIERRE ; REGARD SUR LE MAITRE VERRIER.

François Décorchemont est né le 26 mai 1880. Son père, Louis Emile, était sculpteur et avait étudié à l’école des beaux-arts de Paris puis enseigné à l’école nationale des arts décoratifs. Sa mère, originaire de Conches dans le département de l’Eure, était  issue d’une famille d’artistes  menuisiers d’art et sculpteurs sur bois réalisant des figures de saints personnages et des meubles d’église. C'est donc très naturellement que François Décorchemont s'oriente vers les métiers d'art. En 1900,à l’âge de vingt ans, il sort diplômé de l’école nationale des arts décoratifs. Attiré par la peinture il privilégie la couleur au dessin. La céramique le passionne beaucoup.

En 1903 à l’occasion d’une cuisson apparemment ratée, il découvre la pâte de verre et une certaine transparence de la matière ; dès lors son intérêt pour la céramique fait place à cette nouvelle matière et après une longue mise au point il exécute une multitude d’objets d’une grande beauté.

Le matériau employé par Décorchemont est du cristal pilé extrêmement fin, contenant jusqu’à plus de trente pour cent d’oxyde de plomb, mélangé à de la gomme arabique pour servir de liant. Cette matière est moulée et les décors sont modelés en relief sur le moule. Après séchage, le tout est démoulé puis subit une vitrification dans un four.

A partir de 1925, Décorchemont qui a perfectionné sa technique, mis au point la température de cuisson et les couleurs puis adopté la technique de la cire perdue, produit pendant dix ans toute sorte d’objets en pâte de verre. Les pièces sont de plus en plus grandes et les parois plus épaisses et transparentes.

Après 1928 et son second mariage avec Marie-Antoinette Pellet, il s’engage dans une vie chrétienne et se rend chaque dimanche à la messe dans l’église de Conches. Là il contemple les vitraux et lui vient l’idée d’appliquer sa technique à la création d’un vitrail.

En 1929, François Décorchemont est universellement reconnu mais uniquement pour ses objets en pâte de verre, la revue l’Art vivant lui consacre un article et écrit : « Il n’existe rien de comparable ni dans la céramique ni bien entendu dans la verrerie. Jeune encore, il songe à l’avenir et nous prépare de nouveaux émerveillements ».

En effet en 1933, à cinquante trois ans, Décorchemont se lance pour la première fois dans la l’élaboration de vitraux. Contrairement à une affirmation parfois répandue il n’a jamais employé la dalle de verre, mais a inventé une technique entièrement originale avec une matière nouvelle pour le vitrail, la pâte de verre.

Le processus est le suivant : il broie finement des débris de cristal ; Il en remplit des creusets et y mélange un oxyde métallique par creuset pour obtenir la couleur désirée. Après passage au four il obtient une masse de cristal colorée. Elle est à nouveau broyée et les petits fragments sont déposés dans les creux du moule en terre réfractaire. Le moule est ensuite passé au four à 1100 degrés. Après refroidissement les fragments du vitrail sont assemblés par du ciment. Il n’y a aucune peinture sur le verre ; Les traits du visage ou les inscriptions sont imprimées en creux par les reliefs du moule et comblés avec du ciment qui les opacifie.

Au Moyen Age, peu de personnes savaient lire et la fonction essentielle des vitraux dans les églises était de servir de support à l’éducation spirituelle des chrétiens. Les inscriptions qui accompagnent les vitraux de Décorchemont soulignent cet enseignement.

Après quelques petits panneaux, l’intérêt pour le travail de Décorchemont est si grand qu’il reçoit en 1935 une commande gigantesque et doit exécuter 300 mètres carrés de verrières pour l’église Sainte-Odile en construction à Paris. Après deux ans de travail, les vitraux sont posés en juillet 1937.

Les verrières de l’église de sainte Odile ne lui ont pas apporté la fortune, mais elles ont permis de le faire reconnaître comme maître verrier.

A partir de 1938, François Décorchemont compose quelques vitraux pour des églises du département de l’Eure, mais faute de combustible pendant la guerre il doit arrêter ses fours et suspendre son travail. Il reprend son œuvre à partir de 1946 et reçoit de nombreuses commandes pour des églises du département de l’Eure dont les verrières avaient été détruites pendant la guerre.

Malgré les obstacles soulevés par des commissions des beaux-arts et l’administration des Monuments Historiques qui firent échouer des projets, Décorchemont put réaliser de 1946 jusqu’à sa mort en 1971 de nombreux vitraux.
Hormis l’église Sainte-Odile à Paris, la quasi-totalité des églises auxquelles Décorchemont s’est consacré se situent dans le département de l’Eure sauf les églises d’Albepierre et de Fressange dans le Cantal. Les raisons de cette exception sont peu connues.

En 1938 Raymond Rouche, originaire d’Albepierre et domicilié à Paris, connaissait Jacques Barge, architecte des Monuments Historiques qui construisait alors l’église Sainte-Odile à Paris. Par son intermédiaire, il fit la connaissance du verrier Décorchemont. Avec l’accord et le soutient actif de l’abbé Verdier, curé d’Albepierre depuis le mois de novembre1938, Décorchemont vint à Albepierre et proposa quatre vitraux aux thèmes chers à la piété des Arapiroux. Ce furent la Sainte Famille, saint Timothée primitif patron de Bredons, la parabole du bon grain et de l’ivraie et Notre Dame des Oliviers. Ces thèmes sont traités avec une expression de foi incarnée qui insiste sur la présence de Dieu dans la vie quotidienne. Ils invitent à la prière et au recueillement.

Seuls les trois premiers vitraux furent réalisés avant la guerre, avant l’extinction des fours en 1939. Ils furent posés entre 1939 et 1942 et le vitrail de la sainte famille, premier posé, fut offert par Mme Debord, originaire d’Albepierre, en mémoire de son fils disparu à la guerre 14-18.

Le quatrième vitrail de N.D. des Oliviers fut réalisé après la guerre et posé en 1946. Il fut offert par le maître verrier à la paroisse, comme le confirme sa lettre du 14 novembre 1945 conservée dans les archives de l’église :

« Conches le 14-10-45
Cher Monsieur le Curé,
Je m’excuse d’avoir tardé si longtemps à vous accuser réception de votre lettre du 6 août dernier. J’ai du m’occuper de la repose des verrières que j’avais faites pour l’église Ste.Odile, mises à l’abri pendant la guerre et je viens seulement de terminer ce travail.
Je comprends parfaitement que vous n’ayez pas actuellement les fonds nécessaires pour continuer les travaux commencés par Mr. L’abbé Verdier. Voici ce que je vous propose : ma femme et moi avions toujours promis d’offrir un vitrail si la providence nous permettait de sortir indemne de la guerre. Elle l’a permis et je puis encore travailler ce vitrail de la Reine de la Paix. Nous vous l’offrons et nous serons heureux si vous voulez bien l’accepter. Je ne puis encore pour le moment vous préciser à quelle date il sera prêt. J’ai tout à remettre en état et tout un four à refaire. Aurais-je aussi assez de combustible pour travailler cet hiver ? La Sainte Vierge nous aidera. En tout cas, je vous tiendrai au courant et je crois qu’au printemps prochain au plus tard ce vitrail sera posé.
Dans l’attente de votre réponse je vous prie d’agréer, cher Monsieur le Curé, mes respectueux sentiments.
signé : F. Décorchemont ».

L’abbé Vayssière, Curé d’Albepierre, fit connaître son acceptation le 29 octobre 1945.

Quant à l’église de Fressange dans le Cantal, si celle-ci possède des vitraux de François Décorchemont c’est à l’abbé Crueize curé de Lavastrie dont dépend le hameau de Fressange qu’elle le doit. L’abbé avait été auparavant Curé d’Albepierre et avait été émerveillé par les vitraux d’Albepierre. Le curé obtint de Décorchemont la promesse d’œuvrer pour Fressange, et quatre vitraux avec des figures de Saint Jean l’évangéliste, l’archange Saint Michel, Saint Louis et le Sacré-Cœur furent posés entre 1958 et 1964.


Auteur :  Jean-Louis PHILIPPART
Source : Les vitraux de François Décorchemont, Jean Marchal, P. Lethielleux, 2001.
A voir :

Le site consacré à la commune d'Albepierre-Bredons ainsi qu'à la richesse du département du Cantal :

http://perso.wanadoo.fr/jean-louis.philippart/


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